Prostate de Hollande: la transparence exigée relève d’une dérive fascisante à la mode

Claude-Marie Vadrot  • 5 décembre 2013
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« Trompettes, de la renommée, vous êtes bien mal embouchées » , chantait Georges Brassens. Elles le sont certainement quand l’ensemble des medias se jette avec des mines gourmandes et offusquées sur l’opération de la prostate subie en 2011 par François Hollande, alors qu’il était presque le seul à savoir qu’il se présenterait un jour à la présidence de la République. Repasse alors en boucle médiatique, le chœur des pleureuses qui convoquent son chirurgien et regrettent que l’on ne sache pas tout sur le cheminement de son bistouri et de la santé des hommes et femmes politiques. La prostate de Hollande, je m’en fous complètement et ce n’est pas une affaire d’Etat.

Ah, oui, il y a Mitterrand qui en avait une gravement atteinte ! Et alors ? Pour avoir eu l’occasion de le côtoyer pendant une heure en 1995, je peux dire que si l’encore président souffrait visiblement, son acuité intellectuelle était intacte et même fascinante. Donc, sa souffrance et sa maladie, c’était son problème. Pas celui du pays, pas celui des confrères nécrophages qui veulent tout savoir sur les autres et ne disent jamais rien sur eux. Les mêmes qui couinaient bien fort quand il était question de publier tous les détails possibles et imaginables sur les avoirs des parlementaires et de toute leur parentèle, font semblant de s’offusquer que le Président Hollande n’ait pas proclamé urbi et orbi les détails de son opération ! Comme s’il n’existait pas bien d’autres choses à lui reprocher ( voir Politis pour plus de détails… ).

Les mêmes qui applaudissent au wikileaks déversant en vrac et sans la moindre précaution dans le domaine public des dépêches diplomatiques, sans remarquer ou craindre la contradiction, sont partis en vrille dans les médias pour dénoncer l’espionnage américain de nos sociétés et de nos politiques par les malades de la NSA. En oubliant, par exemple, que tous les gouvernements de l’Union européenne se sont accordés à l’unanimité pour fournir plusieurs dizaines d’informations confidentielles sur tous les voyageurs se rendant aux Etats Unis ou les survolant.

Cette maladie de la transparence absolue, surtout quand elle concerne les autres, tourne à l’obsession, à la manie compulsive pour promouvoir une société qui devrait tout savoir de chaque individu. En fait elles visent, consciemment ou de façon subliminale, à habituer tous les citoyens à accepter que leurs vies privés (pour leur plus grand bien évidemment) soient scrutées en permanence, mis en fiche, en cookies, en face book, en mémoire et autres « clouds ». Pour le plus grand profit des polices, des marchands, des multinationales, des géants de l’internet, des banques, des assureurs, de la sécurité sociale, des administrations et des élus territoriaux. Tous ceux qui amassent sur chacun d’entre-nous, même lorsque nous prenons quelques précautions, des informations qui représentent à la fois du pouvoir, des moyens de pressions et de l’argent. Des informations qui permettent de nous cerner, de nous tenir en laisse, de faire de nous des coupables potentiels, de nous rappeler à l’ ORDRE . Depuis la maternelle où les premières « déviances » sont soigneusement mises en fiches avant d’être mises en scène dans les multiples versions de la télé réalité dans lesquelles se vautrent une part de plus en plus importante de la population, fascinée à l’idée de tout montrer et donc de ne plus rien cacher. Comme si se mettre à nu devait se muer en religion.

Au bout de la société de transparence absolue dont on nous vante chaque jour les bienfaits, au bout de cette société qui vise à présenter chaque citoyen comme un fraudeur ou un délinquant potentiel, au bout de cette société qui rêve de ne plus rien oublier et de tout savoir sur chaque individu, se profile un nouveau fascisme auprès duquel les angoisses du Big Brother de Georges Orwell ne sont qu’une aimable fantaisie.

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