Espionnage du net, livraison avant commande… Et si on faisait le Grand Ménage ?

Pendant que les défenseurs des libertés sont au front, les avaleurs de données continuent leur lucratif commerce.
Quelques exemples récents.

Christine Tréguier  • 30 janvier 2014
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Espionnage du net, livraison avant commande… Et si on faisait le Grand Ménage ?
Photo : MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Illustration - Espionnage du net, livraison avant commande... Et si on faisait le Grand Ménage ?


À l’initiative de l’Electronic Frontier, Demand Progress, la Mozilla Foundation, Boing Boing, Free Press, et de quelques autres, une journée mondiale de mobilisation contre l’espionnage de masse pratiqué par la National Security Agency (NSA) américaine (et leurs alter ego russes, chinois, européens, etc.) est en train de s’organiser.

Sous le label « The Day We Fight Back » « Le Jour de la Riposte », elle aura lieu le 11 février. Soit à la veille de la commémoration de la mort d’Aaron Swartz, brillant informaticien poursuivi par la justice américaine pour avoir libéré des documents universitaires, qui s’est suicidé le 11 janvier 2013.

Lire > La propriété intellectuelle tue !

«La plus grande menace ayant jamais pesé sur les libertés»

Elle vise également à célébrer un de ses chevaux de bataille, l’arrêt momentané du Stop Online Piracy Act (Sopa), projet de loi bloqué par une mobilisation citoyenne sans précédent il y a deux ans.

Lire > Opération « Black out SOPA » : le web se mobilise contre une loi américaine sur le piratage

Pour David Segal, cofondateur avec Aaron Swartz de Demand Progress, «   l’espionnage exercé en masse par la NSA représente la plus grande menace ayant jamais pesé sur les libertés des internautes et d’une manière plus générale sur la société. Si Aaron était toujours de ce monde, il serait sur la ligne de front pour riposter contre des pratiques qui visent à saper toute possibilité d’échange et d’engagement entre êtres humains libres   » .

Tout comme Edward Snowden, ancien prestataire de la NSA et du FBI, ayant fui en Russie faute de mieux après avoir fait fuité des DVD de documents secret défense qui grattent encore les puissants aux entournures aujourd’hui.

Lire > NSA : ménager la chèvre et le chou

  • Vidéo de présentation de « The Day We Fight Back » (en anglais) :

De leur côté, deux députées européennes, Amelia Andersdotter et Françoise Castex, organisaient à Bruxelles une table ronde intitulée « Do not track – is self-regulation enough ? », « Ne tracez pas, est-ce que l’auto-régulation suffit ? ». Ce mécanisme « Do not track » est proposé aux utilisateurs de site web par les principaux navigateurs… Sans aucune garantie que les marchands et fournisseurs de services du web s’y conforment. Un pet dans le cyber-océan en quelque sorte, destiné à faire croire qu’ils sont vertueux et respectent la vie privée des internautes. La question posée par les deux députées induit la réponse : tant que ce prétendu standard ne sera pas inscrit dans une régulation européenne, foin de la vie privée et merci pour le droit à la récolte massive de données personnelles !

Anticiper sur les désirs d’achat

Le leader de la vente en ligne Amazon vient d’ailleurs d’en donner une preuve éclatante, quasiment le même jour, avec l’annonce d’une nouvelle innovation dûment brevetée : la livraison avant la commande !

Vous comprenez bien, il s’agit d’anticiper sur vos désirs d’achat en analysant par le menu toutes vos emplettes précédentes, vos connections et même le temps passé sur une page, pour préparer la livraison de votre prochaine commande avant même que votre cerveau n’ait formulé ce souhait. Trop fort ! Et patenté bien sûr, pour que les concurrents ne profitent pas de cette méthode qui n’aurait pas déplu à K. Dick.

Comme le suggère Simplicissimus, un mien ami, les étapes suivantes de ce délire consumériste de colonisation de nos cerveaux pourraient être «   inclure dans le TTIP [traité transatlantique en cours de négociation] une clause prévoyant la modification du droit commercial pour que les décisions des algorithmes de recommandation fassent office de bon de commande   » et «  breveter un système transformant automatiquement les souhaits des majors états-uniennes en règlements communautaires   » .

Lire > Marché transatlantique : les ONG donnent de la voix

J’ajouterai à cette vision prospective une petite mesure pratique : codifier les captation d’ondes cérébrales et introduire dans les corpus légaux les patterns du désir et de l’impulsion d’achat comme équivalents de signature électronique. Vous en rêvez… Amazon vous le livre !

Et si on ripostait en leur rappelant pour la énième fois que nos vies ne se résument pas à acheter des produits futiles. En leur faisant comprendre que nous ne sommes pas des poissons dans un aquarium sous observation permanente de biologistes avec intention. En faisant en sorte que les législateurs nous entendent et actent nos volontés plutôt que leurs innovations à 2 balles, prétendument génératrices d’emplois et réductrices de crise.

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