Mères voilées : Ni interdites ni intégrées

Le Conseil d’État laisse les établissements décider si les mères voilées peuvent accompagner ou non des sorties scolaires.

Ingrid Merckx  • 9 janvier 2014 abonné·es

Le Conseil d’État a tranché… sans trancher. Non, l’accompagnement des sorties scolaires ne sera pas interdit aux mères voilées, mais « les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou à des activités scolaires, à [leur] recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses », précise son avis publié le 23 décembre. Ainsi, l’autorité nationale renvoie la responsabilité aux directeurs d’établissements et aux enseignants. Ce qui peut être interprété comme une manière de laisser une marge d’appréciations aux premiers concernés fait également craindre des dérapages. Ici, les mères voilées pourront accompagner les sorties ; là, elles seront renvoyées chez elles.

L’argument de l’influence potentielle de la tenue de ces femmes sur les enfants « ne tient pas », explique le sociologue Jean Baubérot, de la Ligue des droits de l’homme : « Dans leur vie de tous les jours, ils sont confrontés au foulard comme à la minijupe sans qu’aucun des deux ne les trouble. Le rôle de l’Éducation nationale est d’apprendre aux enfants à vivre dans la société telle qu’elle est. Ce “cachez ce foulard que je ne saurais voir” est ridicule, et la gauche au pouvoir aurait dû prendre ses responsabilités en rompant avec le sarkozysme. » Sans compter que stigmatiser les femmes musulmanes pourrait créer un repli communautaire, celui-là même qu’on prétendait vouloir combattre. Les parents doivent-ils être soumis aux mêmes règles de neutralité que les représentants de l’Éducation nationale ? C’est la question qui avait été posée au Conseil d’État par le défenseur des droits, Dominique Baudis, constatant d’éventuelles contradictions entre la circulaire Chatel de 2012 et la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école. Les ministres Peillon et Vallaud-Belkacem se sont faits les défenseurs de l’État de droit en décrétant que les parents accompagnateurs étaient considérés comme des auxiliaires du service public. « Comment prétendre aider l’intégration, alors qu’on refuserait à ces femmes leur place dans la cité ?, rétorque Jean Baubérot. On est en train de faire une nouvelle laïcité qui est plus dure pour l’islam que pour les autres religions. »

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