Quel « périmètre » pour l’ESS ?

Le quotidien l’HUMANITE poursuit en 2014 la publication, tous les premiers mardis de chaque mois, d’un supplément dédié à l’Economie sociale et solidaire. Analyses, reportages, interview et tribune traitent en quatre pages d’une problématique ESS. Ce mois-ci c’était la question du périmètre de l’ESS. Le mois prochain, le 4 février, à l’occasion du Salon de l’Agriculture, il s’agira des relations ESS/monde agricole, notamment sur les valeurs actuelles de la Coopération agricole. Nous publions ici mon éditorial du numéro de janvier.

Jean-Philippe Milesy  • 7 janvier 2014
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*La Loi relative à l’ESS qui a été votée en première lecture au Sénat mais qui ne sera discutée devant l’Assemblée nationale qu’en avril 2014, se veut selon Benoît Hamon, une loi inclusive, élargissant le champ traditionnel de l’ESS.

Jusqu’à présent l’ESS a été définie à travers ses valeurs, ses principes et ses statuts. Ses valeurs la liberté, l’égalité et la solidarité ont généré les trois principes essentiels de libre-adhésion, de gestion démocratique et de non-lucrativité. A partir de ces principes et des domaines d’activité ont été établis des statuts, codifiés par les pouvoirs publics, de mutuelles, coopératives et associations. C’est l’agrégat de ces trois formes qui constituaient le champ de l’Economie sociale auquel ont été ajoutées, plus ou moins à bon escient et sous l’influence anglo-saxonne, les fondations.

Ce que propose la loi et qui est sans aucun doute la question la plus discutée tant à travers les consultations qui l’on précédée que dans les débats qu’elle suscite encore, c’est d’ouvrir le périmètre de l’ESS à de nouveaux entrepreneurs dits « sociaux » dont l’activité répond à certains critères d’utilité sociale et qui acceptent certaines contraintes dans leur gestion.
Est avancée notamment la notion de « lucrativité limitée » qui correspondrait à un certain réinvestissement d’une part des résultats.

Pour autant il ne s’agit pas ici de sociétés de personnes à gestion démocratique sur la base « une personne une voix » (autant de principes fondateurs de l’ESS), mais il peut s’agir de sociétés de capitaux, sous contraintes relatives. Cela ouvre la possibilité à des sociétés naissantes de bénéficier pour leur lancement des avantages liées au périmètre ESS et notamment des financements de la Banque publique d’investissement (BPI) fléchés sur l’ESS, mais surtout d’un « label » ESS notamment auprès des collectivités territoriales. Rien ne s’oppose à ce que ces sociétés une fois leur pérennité assurée renoncent aux contraintes, pour en revenir à une gestion tournée purement et simplement vers le profit, comme ce fut le cas de maintes sociétés ayant bénéficié à leur démarrage de soutiens d’acteurs de l’ESS.

Si de jeunes créateurs, visés explicitement par le ministre, ont une vision sociale de l’entrepreneuriat rien ne les empêche d’adopter une forme associative ou mieux coopérative. La question est alors pourquoi ne le font-ils pas ?
_ L’ambiguïté de la loi et les opportunités, voire les aubaines, sur lesquelles elle peut déboucher ne favorisera pas la lisibilité, l’appropriation citoyenne de ce qu’est l’Economie sociale.

Certes, comme le souligne volontiers Jean-Marc Borello, les statuts ne sont pas vertus et de grandes structures dégénérées de l’ESS en font héla trop souvent la preuve; point sur lequel la loi est relativement discrète !
_ Certes aussi la notion même d’entrepreneuriat fait encore problème à certains dirigeants de l’Economie sociale se mouvant avec aise dans la subsidiarité par rapport aux pouvoirs publics, nationaux ou territoriaux dans une logique d’ESS d’assistance et assistée.

Mais la réponse n’est pas la dilution de l’Economie sociale dans un ensemble qui voisinerait avec les opérations de social-washing et de green-washing des tenants du social-business.

La réponse c’est la réappropriation de l’Economie sociale par ses mutualistes, ses sociétaires, ses bénévoles et adhérents associatifs comme y incite des organisations comme l’AP2E ou le Collectif des associations citoyennes (CAC).
_ C’est comme le fait la Loi favoriser la reprise des entreprises par des collectifs de salariés (SCOP).
_ C’est apporter un soutien aux initiatives innovantes comme les Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) , les Coopératives d’activité et d’emploi (CAE) ou les formes nouvelles de l’habitat coopératif.
_ C’est inclure les grands Comité d’entreprises (CE) gestionnaires d’activités sociales solidaires, de tourisme social, d’action culturelle à l’instar des adhérents du Groupement d’employeur de l’Economie sociale (GOEES).*

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