José Bové : « Nous sommes dans une impasse institutionnelle »

José Bové fait le point sur les blocages empêchant l’Union européenne d’adopter une position tranchée sur les plantes transgéniques.

Claude-Marie Vadrot  • 27 février 2014 abonné·es

Le ministère de l’Agriculture projette d’interdire par arrêté la culture du MON810 avant les semailles de printemps. Ce texte, comme d’autres auparavant, court le risque d’être annulé par le Conseil d’Etat, qui estime, à chaque annulation, que le dossier ne « repose pas sur des données scientifiques fiables permettant de conclure à l’existence » de risques « mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ». Ce qui est écologiquement faux mais juridiquement exact en l’état de la réglementation européenne.

Existe-t-il bien une majorité de pays européens qui refusent les OGM ?

José Bové : Non, car il ne s’agit pas de ce que l’on appelle une majorité qualifiée qui permet à la Commission européenne de valider une décision. Pour l’instant, 19 pays se disent contre les cultures OGM, notamment contre le TC1507 présenté par l’américain Pionnier, tandis que 5 sont pour et 4 ne se prononcent pas. Or, la démocratie européenne a ceci de particulier au niveau de la Commission que, d’abord, les majorités ne peuvent être que positives et, ensuite, qu’elles doivent rassembler au moins 260 voix, car chaque pays a un quota de voix correspondant à sa population. Pour l’instant, les opposants aux OGM ne totalisent que 210 votes. Une impasse institutionnelle alors que le Parlement européen, dans son dernier vote, a rejeté l’autorisation par 385 voix contre 201, 35 députés s’étant abstenus. Ce blocage laisse les pays libres de décider, avec le risque d’inciter des multinationales à attaquer en justice, et avec succès, les pays qui refusent les OGM au moyen d’une fragile clause de sauvegarde.

Comment sortir de cette impasse ?

Certainement pas en laissant chaque pays libre de faire ce qu’il veut comme l’UE est tentée de procéder. Il faut définir une large base au refus. Tout simplement en renonçant au cadre étroit des études de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), sous influence, et en listant tous les inconvénients et avantages des plantes OGM au-delà de l’alimentation. Une évaluation d’ensemble doit être menée, élargie aux questions sociales, écologiques, économiques, de protection du territoire, de productivité. De façon à déterminer si les modifications génétiques apportent un plus, en dehors d’un profit aux multinationales. Ce qui permettra une discussion globale en dehors de la commission Environnement et du commissaire à la Consommation, qui ont l’exclusivité de cette question.

Que va-t-il se passer ?

Maintenant ? Rien ! Tétanisée par l’approche des élections européennes, la Commission de Bruxelles va remettre sa décision à beaucoup plus tard.

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