Fin de la trêve hivernale : Et demain ?

Le 1er avril marque le début d’une nouvelle saison d’expulsions, et la fermeture de nombreuses places d’hébergement d’urgence.

Lena Bjurström  • 31 mars 2014
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Fin de la trêve hivernale : Et demain ?
© Photo : Manifestation contre la reprise des expulsions à l'appel de l'association Droit au logement, à Paris, le 29 mars 2014 (Zacharie Scheurer / NurPhoto)

Avec les beaux jours, les expulsions reprennent. Le 1er avril, la trêve hivernale est finie. Une mauvaise blague, et la fin d’un court répit pour de nombreuses familles qui, peinant à payer leur loyer, sont en passe d’être expulsées. «A partir de demain matin, 6h, ce sont des milliers de personnes qui attendront, la peur au ventre, de voir un huissier débarquer chez eux, pour les mettre à la porte» , prévient Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre, lors d’une conférence de presse du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement, ce lundi à Paris.

Tous les ans, le scénario se répète. Avec le printemps, la saison des expulsions reprend. Cette année comme les précédentes, malgré toutes les «bonnes intentions du gouvernement» . Depuis 2012, l’exécutif n’a pourtant pas manqué de se mobiliser, au moins dans les mots, sur le dossier du logement. A l’issue de la conférence contre la pauvreté de décembre 2012, le Premier ministre avait notamment annoncé un renforcement de la prévention des expulsions locatives. Une nécessité, selon le Collectif, qui regroupe 34 organisations.

Suspendre les expulsions

«Prévenir les expulsions locatives, ** c’est assurer un accompagnement des personnes dès leurs premières difficultés à payer leur loyer»* , souligne Christophe Robert. C’est avoir pour objectif une diminution de ces expulsions, qui drainent toujours plus de personnes vers un système d’hébergement d’urgence déjà saturé. Mais, en 2012, plus de 115 000 décisions d’expulsion ont été prononcées par la justice. Ces procédures pour impayés de loyer ont augmenté de 37% depuis 2002, signe d’une précarisation toujours plus grande de la population française, selon le Collectif.

Si une réponse à la situation économique des ménages ne peut être trouvée en un jour, il est plus que temps d’envisager un moratoire, une suspension temporaire des expulsions locatives, avec un dédommagement des propriétaires. «Un fonds de dédommagement des locateurs existe , insiste Christophe Robert, mais il n’est pas suffisamment alimenté.»

En ces temps de crise, ce moratoire serait un point de départ pour repenser une politique de logement aujourd’hui à bout de souffle. Les associations prennent acte de bonnes initiatives du gouvernement, notamment la garantie universelle des loyers, portée par la loi ALUR adoptée en février dernier, pour l’heure, le fossé entre les mots et la réalité est toujours aussi grand.

Lire > Logement : les oubliés de la loi

Une gestion «au thermomètre»

A la longue file des expulsés s’ajouteront également, dès demain, ceux dont les places en centre d’hébergement d’urgence seront progressivement fermées avec l’arrivée des “beaux jours”. Ainsi, dans le Rhône, sur les 975 places ouvertes cet hiver, 500 seront progressivement fermées d’ici le 10 avril. Dans la Loire, 370 places seront supprimées, autant en Gironde et 200 en Île-de-France. Une gestion de l’hébergement d’urgence selon ce qu’affiche le thermomètre, et un désastre pour les associations.

«Renvoyer des personnes à la rue sans pouvoir leur proposer de logement alternatif, ce sont nous, travailleurs sociaux et associatifs qui, à l’arrivée du printemps, faisons ce sale boulot» , rappelle Perrine Dubois, membre de la Fondation de l’Armée du Salut, qui dénonce «un système qui casse au lieu d’intégrer» .

Pour Florent Guéguen, directeur de la FNARS, l’hébergement d’urgence, tel qu’il existe aujourd’hui, enferme les personnes dans un dispositif de «portes tournantes» , d’un logement temporaire à un autre, sans jamais soutenir la stabilité nécessaire à une bonne intégration dans la société. «A la fin du dispositif hivernal, les personnes sont remises à la rue sans aucun accompagnement» , dénonce-t-il. Et se retrouvent seules, sans toit.

Lire > Une situation intenable


Société
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