Pollutions en tout genre

Ce qui fait lien entre toutes ces affaires, c’est l’éternelle question du financement des campagnes. présidentielles.

Politis  • 20 mars 2014 abonné·es

S’il m’avait été donné de « faire » de la politique — ce qu’à Dieu ne plaise –, j’aurais aimé être maire. Pas maire de Paris ou d’une métropole dont on ne voit pas les limites, sans cesse repoussées, ou noyées dans les brumes de la pollution, mais d’une petite ville à dimensions humaines. Là où vous avez l’impression que vos choix peuvent encore changer quelque chose à la vie des gens. Là où vos concitoyens ont un visage. Je ne suis pas naïf au point de croire que l’on y est à l’abri des intrigues politiciennes, ni que la marge de manœuvre y est infinie, mais à une époque où les centres de décision s’apparentent de plus en plus à des conseils d’administration de multinationales, et où les lieux de pouvoir s’éloignent de ceux qui en dépendent, cette proximité est plutôt réconfortante. Voilà pourquoi la « commune » — un joli mot, tant par son étymologie que par sa charge historique — est un lieu de résistance de la politique vraie.



Notre amie Françoise Salles nous a informés du décès de Jean Berthet. Avec lui, Politis a perdu l’un de ses plus fidèles lecteurs, puisqu’il nous accompagnait depuis le premier numéro. Résistant et déporté, anticolonialiste, engagé aux côtés du peuple algérien et militant infatigable de la solidarité avec le peuple palestinien, il était encore dans les manifestations voici quelques semaines, à 93 ans. Membre de l’association Grandir à Gaza, il soutenait activement, avec son épouse Alice, le Jardin d’enfants du camp de réfugiés d’Al-Burej. À sa famille, à ses proches, l’équipe de Politis exprime toute son amitié.

Nos lecteurs trouveront en page 29 un petit mot sur notre campagne d’abonnements, et en page 31 nos formulaires.

C’est bien sûr un paradoxe d’affirmer cela alors que l’on a tous tendance à penser, au contraire, que le débat se dépolitise à mesure qu’il descend au niveau du village ou de la bourgade, et qu’il est vraiment politique lorsqu’il entre dans l’entonnoir du pugilat présidentiel. Le tout est de savoir ce qu’on entend par « politique ». S’agit-il de l’art d’organiser une communauté humaine, ou s’agit-il de luttes de pouvoir dépourvues de sens qui ne débouchent jamais sur des alternatives ?
Hélas, ces jours derniers, le spectacle de la politique a nettement penché du côté de la seconde définition. Il n’y a pas que l’air de nos villes qui est empoisonné. L’atmosphère de la vie politique nationale l’est aussi. À chaque jour son affaire. Le lundi, c’est le leader de la droite qui est soupçonné d’avoir arrosé ses amis d’une officine de communication avec l’argent des militants ; le mardi, on apprend que le conseiller d’un président de la République enregistrait les conversations de celui qui l’employait (on a les hommes de confiance qu’on mérite !) ; le mercredi, on nous révèle que des juges avaient placé sur écoute un ex-Président et qu’ils espionnaient ipso facto son avocat ; le jeudi, on piège une ministre qui ne sait plus très bien ce qu’elle doit dire ou ne pas dire de ce qu’elle savait ou ne savait pas… Et le vendredi, c’est poisson, qui, comme chacun sait, pourrit par la tête.
On remarquera tout de même que ce qui fait lien entre toutes ces affaires, c’est l’éternelle question du financement des campagnes présidentielles. Quand notre pays se décidera-t-il à remettre en cause cette institution mortifère pour la démocratie, et pour la politique tout court ? Bien sûr, cette vision sombre est celle que nous renvoient certains médias qui ont connu une semaine faste (le pompon revient aux chaînes d’information continue !). On a coutume de déplorer qu’ils relèguent l’information sociale à l’arrière-boutique. Le débat sur le pacte de responsabilité, par exemple, est réputé peu vendeur.



 Mais il n’y a pas que cela. Avec cette débauche de turpitudes étalées sur la place publique, certains médias finissent aussi par abolir toute hiérarchie et oublier toute échelle de valeur. Ainsi, en quelques heures, Christiane Taubira peut se retrouver sur le même banc d’infamie que Copé. Cherchez l’erreur ! Et que l’on ne nous chante pas la chanson de médias innocents, simples témoins d’une crise morale à laquelle ils n’auraient aucune part !
Les élections municipales de dimanche vont donc se dérouler sur une toile de fond peu ragoûtante. Ces affaires mélangées à souhait, une politique économique et sociale indifférenciée entre droite et gauche, une absence d’alternatives sociales à une stratégie qui n’en finit pas d’échouer : tout cela risque de conduire à une abstention importante, notamment parmi les électeurs de gauche encore groggy par tant de promesses non tenues. Il faut cependant les encourager à aller voter pour les listes de gauche qui proposent de véritables alternatives : Parti de gauche (en dépit de la gêne profonde que j’éprouve en entendant Mélenchon parler de l’Ukraine), PC, Front de gauche, là où il est uni, et Europe-Écologie-Les Verts dans certains endroits, et malgré leurs contradictions. Mais aussi pour des listes citoyennes atypiques, comme à Grenoble.



Car si les affaires font la une de l’actualité, il existe aussi une « noblesse » de la politique, et un désintéressement. Et ces élections offrent à l’initiative citoyenne un moment d’expression privilégié. Même si cette démocratie qui mêle le local et le national compte toujours ses oubliés, issus comme on dit, de la diversité et de l’immigration. Et puis, quand on n’est pas content, il faut le dire. Car même si ce scrutin est parfois agreste et s’il a des accents bucoliques, il a aussi une évidente portée nationale.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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