Chronique d’un naufrage

Le dernier volume du rapport 2014 du Giec décrit en creux l’incapacité à agir de la communauté internationale.

Patrick Piro  • 17 avril 2014 abonné·es

C’est le carnet de bord d’une humanité qui constaterait, de plus en plus détachée de la réalité, l’inéluctable en train d’advenir. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient de remettre le troisième volume de son 5e rapport (depuis 1990), consacré aux mesures d’atténuation du dérèglement climatique, après les opus traitant de la science du phénomène (septembre 2013) et des impacts (mars dernier) [^2]. Et sans surprise, le constat est encore plus alarmiste qu’en 2007, date du 4e rapport : aucune inflexion dans la dérive climatique. Les émissions ont crû de 2,2 % entre 2000 et 2010, cinq fois plus vite qu’entre 1970 et 2000 ! Les quelques efforts de sobriété et l’essor des énergies vertes sont réduits à néant par la boulimie de charbon – la plus polluante des énergies fossiles. La conférence climatique de l’ONU avait adopté pour objectif souhaitable, à Cancún en 2010, de contenir l’augmentation des températures à 2 °C, à l’horizon 2100. Constat du Giec, qui a compilé environ 1 200 études : cette limite, considérée par les scientifiques comme une frontière de l’inconnu climatique, pourrait être franchie dès 2030 au rythme actuel.

Conclusion plus radicale que jamais : il faut engager « maintenant » une transition dans tous les secteurs d’activité – énergie, habitat, transports, agriculture –, et massivement : multiplier par quatre la part des renouvelables, réduire de 40 à 70 % les émissions d’ici à 2050 jusqu’à les annuler vers la fin du siècle, etc. Et, point délicat, changer les modes de vie, qui « influent significativement » sur la consommation d’énergie. Un chiffre pourrait aider à la décision collective : les investissements nécessaires à l’atténuation du dérèglement ne réduiraient en moyenne que de 0,06 point les taux de croissance de la consommation projetés entre 1,6 % et 3 %. La dernière levée de ce 5e rapport du Giec, le plus important, est attendue en octobre prochain : il s’agit du « résumé à l’attention des décideurs ». Chaque virgule en est pesée, et il constitue le document de référence des négociations internationales, dont le sommet climatique majeur de 2015 (en France), qui ambitionne la signature d’un accord mondial à la hauteur du défi.

[^2]: Voir Politis nos 1271 et 1297.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

D’eau et de colère
Portfolio 24 juillet 2024 abonné·es

D’eau et de colère

Les 19 et 20 juillet, les militants des Soulèvements de la Terre ont manifesté à côté de Poitiers et à La Rochelle pour exiger un moratoire sur les mégabassines. Reportage photo.
Par Maxime Sirvins
Nicolas, pêcheur de Loire : une espèce en voie de disparition
Portrait 24 juillet 2024 abonné·es

Nicolas, pêcheur de Loire : une espèce en voie de disparition

Sur le plus long fleuve de France, ils ne sont plus qu’une soixantaine à exercer leur métier. Une activité qui fait figure d’artisanat en comparaison de la pêche en mer. Rencontre avec un passionné attentif à son environnement.
Par Mathilde Doiezie
De Poitiers à La Rochelle, une lutte contre les mégabassines entre flammes et océan
Reportage 22 juillet 2024

De Poitiers à La Rochelle, une lutte contre les mégabassines entre flammes et océan

Au cours d’une semaine de mobilisation contre les mégabassines, des milliers manifestants se sont rassemblés dans les Deux-Sèvres à l’appel des Soulèvements de la terre et de Bassines Non Merci. Les 19 et 20 juillet, les militants ont manifesté à côté de Poitiers et à La Rochelle pour exiger un moratoire. Récit et photos.
Par Maxime Sirvins
Le lycée agricole de Melle, pépinière du mouvement antibassines
Reportage 15 juillet 2024 abonné·es

Le lycée agricole de Melle, pépinière du mouvement antibassines

L’établissement des Deux-Sèvres voit mûrir au sein de son BTS gestion et protection de la nature une nouvelle génération d’activistes contre l’accaparement de l’eau. Ses élèves aux parcours sinueux trouvent dans ce terroir et son activité militante le déclic d’un engagement durable.
Par Sylvain Lapoix