Gaz de schiste : la technologie miracle de Total

La lecture du rapport annuel 2013 du géant pétrolier Total, publié le 27 mars, est riche d’enseignement sur les « nouvelles technologies » en matière d’extraction des gaz de schiste.

Thierry Brun  • 1 avril 2014
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Illustration - Gaz de schiste : la technologie miracle de Total - afp.com/Kenzo Tribouillard

Les « nouvelles technologies » d’extraction du gaz de schiste, mises en avant dans le rapport annuel 2013 du géant pétrolier Total, rendu public le 27 mars, n’ont rien à voir avec la nouvelle technique expérimentale « propre » d’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels défendue par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif.

Montebourg défendait une technologie au « fluoropropane » (en fait heptafluoropropane) déjà évoquée dans le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les « techniques alternatives à la fracturation hydraulique » , dont nous avions révélé l’étude de faisabilité en février 2013.

Lire ici > Gaz de schiste : des parlementaires pro-nucléaires relancent le débat sur l’exploitation

Rapport annuel 2013 De son côté, Total défend dans son rapport annuel 2013 des « nouvelles technologies » d’exploitation par « pyrolyse » . La multinationale rappelle qu’elle détient une participation de 50 % dans la société American Shale Oil LLC (AMSO), « en vue de développer une technologie d’exploitation in situ des schistes bitumineux. Les premiers essais de chauffage in situ ont eu lieu et conduisent à adapter la technologie retenue » .

Cette prise de participation dans la filiale remonte en fait à 2009, mais le groupe promeut plus que jamais cette « nouvelle technologie » au chapitre de la « recherche et développement ». Total souligne en effet que « l’amélioration de la récupération des huiles dans les réservoirs matures ainsi que la récupération des huiles lourdes et des bitumes et la réduction de leurs impacts environnementaux restent deux sujets de recherche très actifs. De plus, de nouvelles technologies d’exploitation des schistes bitumineux par pyrolyse sont en cours de développement, tant in situ qu’ex situ » .

Total indiquait déjà dans un communiqué daté de 2009 qu’une « fois prouvées la viabilité économique et l’acceptabilité environnementale de sa technologie, AMSO aura la possibilité d’étendre son permis à 2 072 hectares à des fins de développement commercial. Le périmètre couvert par ce permis assorti de droits préférentiels représente, selon les estimations, plusieurs milliards de barils d’huile récupérable » .

Le développement de ces nouvelles technologies « propres » semble être une stratégie gagnante aux Etats-Unis : le rapport annuel précise qu’en 2012, Total « a finalisé une association 50-50 avec la société Red Leaf Resources pour le développement de schistes bitumineux ex situ et s’est engagé à financer un pilote de production avant tout développement à plus grande échelle » . Le géant pétrolier indique aussi avoir finalisé un accord « pour l’achat d’environ 120 kilomètres carrés supplémentaires dans les États du Colorado et de l’Utah en vue d’un développement des techniques de schistes bitumineux in situ (technique AMSO) ou ex situ (technique Red Leaf) » .

Le rapport 2013 ne cache pas que Total a de grandes ambitions sur le continent européen. Le groupe possède des participations « soit en tant qu’opérateur soit en tant que partenaire dans plusieurs permis d’exploration et de production de gaz de schiste » au Royaume-Uni, en Pologne et au Danemark. Ainsi, au chapitre des « informations sociales, environnementales et sociétales » , Total consacre un long paragraphe sur les gaz de schiste, pour expliquer que ces hydrocarbures non conventionnels « auront leur place dans le mix énergétique européen si les campagnes d’exploration confirment le caractère économiquement viable de cette ressource en Europe » .

Total prend soin de rappeler que le permis exclusif de recherche de Montélimar, attribué en 2010 « en vue d’évaluer notamment le potentiel en gaz de schiste de cette zone, a été abrogé par le gouvernement en octobre 2011. Cette abrogation a eu lieu à la suite de la loi du 13 juillet 2011, visant à interdire l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures par des forages suivis de fracturation hydraulique. Le groupe avait remis à l’administration le rapport requis, dans lequel l’engagement était pris de ne pas recourir à la fracturation hydraulique compte tenu de l’interdiction légale en vigueur . Le recours déposé en décembre 2011 devant la juridiction administrative afin de demander l’annulation par le juge de l’abrogation du permis est toujours en attente » .

Total tente plus que jamais de promouvoir ses « nouvelles technologies » dans lesquelles il a investit massivement aux Etats-Unis.

  • « Dans un processus in situ, les schistes bitumineux sont chauffés en place sous terre afin de provoquer une réaction de pyrolyse in situ. Les hydrocarbures liquides, de très bonne qualité, et gazeux qui sont produits grâce à cette réaction sont ensuite extraits du réservoir, par gaz lift et/ou pompage qui sont des techniques de production classiques ».
  • « La technique de production ex-situ s’applique aux formations de schiste bitumineux peu profondes. Les schistes sont extraits par technique minière puis placés dans des grandes capsules scellées dans lesquelles ils sont chauffés. Le chauffage provoque une réaction de pyrolyse qui permet d’obtenir des hydrocarbures liquides de grande qualité ainsi que du gaz ».
Temps de lecture : 4 minutes
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