La gauche du PS se rebelle

Une quarantaine de députés menacent de ne pas voter la confiance au gouvernement Valls.

Pauline Graulle  • 2 avril 2014 abonné·es

Attendre de voir, encore. Lundi soir, à l’annonce de l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, la gauche du PS s’est mordu les lèvres. Ne pas hausser le ton trop vite, trop fort. Ne pas surréagir. Par crainte d’allumer la mèche d’une crise politique incontrôlable ? À quelques semaines des européennes, et alors que les animateurs des deux principaux courants de « l’aile gauche » sont en position éligible, ce n’est certes pas le moment idéal pour déclencher les hostilités. Alors, lundi, dans les rangs socialistes, on ne parlait pas de « contresens », encore moins de « claque », mais de « surprise ». « Valls n’est pas le plus à même de porter un changement de ligne. Hollande a pris une décision ultra rapide, il aurait pu prendre le temps de consulter sa majorité », jugeait sobrement Emmanuel Maurel, animateur de Maintenant la gauche (MLG). La veille – parce que l’espoir était alors encore possible ? –, ce dernier se montrait plus offensif dans une lettre ouverte au Président [^2] où il estimait que « le sujet central n’est pas la demande d’autorité, [mais] le refus de l’austérité », et où il qualifiait le Pacte de responsabilité de « mort-né » .

S’ils n’en pensent pas moins, la retenue est également de mise chez les « hamonistes » d’Un monde d’avance (UMA) : « Valls pourra comprendre, peut-être, qu’il doit abandonner sa ligne libérale de la primaire », espère, sans y croire, Guillaume Balas. Sûr qu’un Benoît Hamon au gouvernement l’aiderait sans doute à y voir clair… Plus direct, Pascal Cherki, le député de Paris, estime qu’avoir nommé Valls « n’est pas une bonne chose. J’attends de voir ce qu’il va faire, mais on court à la catastrophe si on ne change pas de politique macroéconomique ». Ce qui semble pour le moins probable… En fin d’après-midi, une quarantaine de parlementaires s’étaient réunis à l’initiative d’UMA, de MLG, ainsi que de deux courants moins « gauchistes », Gauche populaire et Gauche durable. Un rendez-vous à huis clos, prévu depuis l’entre-deux tours des municipales, et destiné à définir une ligne parlementaire claire face à la déroute historique essuyée par la gauche. « Nous nous sommes mis d’accord sur une formule, raconte Laurent Baumel, de la Gauche populaire, “La confiance n’est pas acquise”. » Manière de suggérer que les parlementaires socialistes pourraient ne pas voter la confiance au gouvernement, ce qui pourrait mener à une dissolution de l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, poursuit le député d’Indre-et-Loire, le temps du Parlement « béni-oui-oui » est bel et bien fini. « Les députés doivent reprendre leur autonomie par rapport au gouvernement, renchérit Pascal Cherki. La confiance, c’est un contrat, je veux voir les clauses. » D’où ce « contrat de majorité » élaboré par les 40 sceptiques, et qui sera soumis au gouvernement dans les jours à venir. « Un consensus s’est dégagé sur trois points, précise Laurent Baumel  *: la réorientation de la politique européenne, le refus d’une politique unilatérale des baisses de charges aux entreprises sans contrepartie, et l’augmentation du pouvoir d’achat. »* Une feuille de route que Manuel Valls trouvera sur son bureau de Matignon. Reste à savoir ce qu’il en fera.

[^2]: Un texte signé notamment par Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, Paul Quilès et Julien Dray, à lire dans son intégralité sur Politis.fr.

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