Des mesures pour la diversité

Des pistes existent pour rentabiliser les films d’art et d’essai. Mariano Otero formule ici des propositions concrètes.

Christophe Kantcheff  • 15 mai 2014 abonné·es

Ancienne présidente de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid), Mariana Otero est une réalisatrice très attentive à l’économie du cinéma.

Pourquoi avoir ressenti la nécessité d’écrire ce texte ?

Mariana Otero : Parce qu’on manque d’une analyse précise sur la sous-exploitation. Or, cela concerne de très nombreux films, tous ceux que l’on désigne habituellement comme les films d’art et d’essai fragiles économiquement. Il faut savoir que 45 % des films qui sortent enregistrent moins de 20 000 entrées, et 64 % moins de 100 000. Seule une analyse détaillée de ce qui se passe pour ces films permettra de trouver une solution adéquate pour leur exploitation.

Une des explications de cette sous-exploitation ne réside-t-elle pas dans le fait qu’il y a trop de films – argument que l’on entend souvent ?

Non, il n’y a pas trop de films, il y a trop des mêmes films : un grand nombre de salles passent les mêmes films, il n’y a plus de place pour les autres. Chaque semaine, les 10 films bénéficiant de la plus large exposition monopolisent en moyenne 92,7 % des écrans, tandis que 53 % des films sortent dans moins de 50 salles. Bien entendu, les 10 films en question sont ceux qui bénéficient du marketing le plus important. Pour les exploitants, les programmer est la solution la plus aisée : il y a des affiches partout, les bandes-annonces sont très visibles, les acteurs sont passés à la télévision, etc. Au contraire, pour les films sans marketing, les exploitants sont obligés de faire la recherche du public eux-mêmes. Or, ils n’en ont généralement pas les moyens. Car, pour cela, il faut une personne qui travaille spécifiquement sur les publics, qui connaisse les réseaux locaux et les gens qui les animent. C’est pourquoi, avec l’Acid, nous pensons que le CNC devrait aider beaucoup plus les salles qui passent les films ne bénéficiant pas de marketing.

Quelles sont les conséquences de la sous-exploitation des films ?

La sous-exploitation engendre l’idée que ces films ne sont pas rentables, alors qu’ils pourraient l’être. Donc, on en vient vite à se demander pourquoi on les produit. Les régions, en particulier, qui participent au financement des films, commencent à se poser cette question. C’est donc la diversité cinématographique qui est en danger.

Quelle serait une mesure d’ampleur et efficace ?

L’Acid a fait de multiples propositions dont la pertinence est de plus en plus reconnue. Personnellement, je commence à penser qu’il faudrait peut-être remettre en question un principe intangible, celui du relatif faible coût du billet des blockbusters, qui, eux, coûtent une fortune en production et en promotion : pour être rentables, leur seule solution, c’est d’envahir les écrans. Remettre en question l’unicité du prix d’achat du billet quels que soient les films, une étrangeté économique propre au cinéma, pourrait peut-être ouvrir une porte et rééquilibrer le marché.

Politique culturelle
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