La frénésie du libre-échange

La Commission européenne multiplie les accords bilatéraux. Avec l’objectif d’obtenir l’ouverture de nouveaux marchés aux multinationales.

Thierry Brun  • 15 mai 2014 abonné·es

Les accords de libre-échange (ALE) entre l’Union européenne et d’autres pays, en négociation ou en voie de conclusion, sont nombreux et concernent des centaines de millions de citoyens. La Commission européenne a publié en mars un document de 13 pages listant plusieurs dizaines de ces traités qui font l’objet de résolutions et d’adoptions du Parlement européen. Cette montée en puissance des ALE, ignorés de la campagne pour les élections européennes alors qu’ils sont un enjeu majeur pour les citoyens, a débuté en 2001, quand les négociations multilatérales lancées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont trouvées dans l’impasse. Depuis, les États-Unis et l’UE ont jugé nécessaire de poursuivre la libéralisation commerciale dans tous les secteurs avec leurs principaux partenaires.

Trois grands ALE sont en cours de négociation. Ils constitueront, s’ils voient le jour, un gigantesque marché mondial destiné aux multinationales. Celles-ci disposeront de garanties juridiques, contenues dans la plupart des accords de libre-échange, pour les encourager à investir et de mécanismes de règlement des différends, nommés « ISDS » par les spécialistes du droit du commerce international. Ces accords sont lourds de conséquences, puisque le droit de la concurrence s’impose aux normes sociales et environnementales. En tête de ces ALE, dont la conclusion avance à grands pas, le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, TTIP en anglais) entre l’UE et les États-Unis. Ce partenariat est considéré par la Commission comme « le plus important au monde ». Il masque deux autres traités en passe d’être entérinés cette année : l’accord économique et commercial global (AECG, Ceta en anglais) entre l’UE et le Canada (voir p. 12) et un accord bilatéral d’investissement entre l’UE et la Chine, lequel garantira « l’ouverture des marchés aux investissements dans les deux sens » et offrira « un cadre juridique plus simple », évitant la question des droits de l’homme et des normes sociales et environnementales.

Organisations syndicales et altermondialistes européennes, ainsi qu’un certain nombre de partis politiques à gauche, critiquent ces ALE négociés dans une grande opacité, car sans communication officielle du contenu des mandats de la Commission adoptés par les Conseils et le Parlement européens. Dans une étude publiée en 2013, l’Organisation internationale du travail (OIT) affirmait que « le nombre d’accords de libre-échange comportant des dispositions relatives au travail a considérablement augmenté au cours des vingt dernières années ». Cependant, seulement un quart de ces ALE conclus dans le monde contiennent de telles clauses, souvent des dispositions relatives aux conditions minimales de travail. Celles-ci sont parfois bafouées, comme on a pu le voir au Bangladesh avec le drame du Rana Plaza. L’OIT reconnaît ainsi qu’il est difficile de généraliser les effets des conventions sociales de base intégrées dans les ALE.

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