Le nouveau combat des réfugiés syriens

À Saint-Ouen (93), des familles en attente d’un statut de réfugié sont confrontées à l’administration française.

Clémence Duneau  • 1 mai 2014 abonné·es

Depuis plusieurs semaines, des dizaines de familles syriennes se réunissaient chaque jour dans le parc municipal Édouard-Vaillant, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le 22 avril, les portes ont été cadenassées sur ordre du maire, et désormais les familles se rassemblent sur le parking devant le jardin. Certains sont originaires d’Idlib, d’autres de Baniyas, mais la plupart ont fui Homs, à l’ouest du pays, sous les bombardements de l’armée de Bachar al-Assad en 2012. Darek, lui, vient de Lattaquié, le fief de Bachar al-Assad. À 24 ans, ça fait plus d’un an qu’il vit en France avec le statut de réfugié. Laissant sa maison, il est parti il y a deux ans avec sa femme, son fils et quelques amis, traversant la frontière libanaise pour s’envoler vers Alger. Sans visas, ils ont continué à pied pour passer la frontière marocaine. Puis le bateau jusqu’à Melilla, en Espagne, pour entrer en France par bus. Avant de partir, Darek était étudiant en anglais à l’université de Tishreen. Il survit aujourd’hui en travaillant dans un laboratoire à Aubervilliers, où il loue une petite chambre. « Je n’avais pas le choix, c’était ça ou l’armée. » Refusant d’entrer dans l’armée syrienne, il a dû fuir comme beaucoup d’autres jeunes pour éviter le service militaire. Avec son français presque irréprochable et ses allures de jeune homme branché, difficile d’imaginer de prime abord les difficultés que Darek a rencontrées lors de son périple. S’il est devant le parc en ce moment, c’est pour aider la famille de sa cousine Madeline, arrivée il y a trois mois.

Avec son mari et sa fille de 7 ans, la jeune femme est partie d’Alep, près de la frontière turque, après les bombardements de 2012. Enceinte de 6 mois et ne parlant pas le français, elle reste avec les petits groupes de femmes qui veillent sur les enfants. Madeline a dû abandonner sa maison, emportant le nécessaire pour « fuir la guerre et la crise », sans grand espoir de la revoir un jour. « Au dernier ramadan, un tank de l’armée syrienne est passé dans la rue juste en face de moi, j’ai su à ce moment-là qu’il fallait partir. Peut être que mon fils aura la chance d’être français », soupire-t-elle. Depuis plus d’une semaine, les journalistes affluent à Saint-Ouen. Les dizaines de familles encore sur place connaissent la chanson désormais. Face aux micros français, espagnols ou même jordaniens, en professionnels de la communication, tous désignent les quelques rares à pouvoir s’exprimer en français. C’est le cas d’Abdelaziz. Il était commerçant à Homs, dans le quartier Baba Amr, détruit en 2012 par les bombardements de l’aviation de Bachar. Depuis qu’il est parti, il n’a plus aucune nouvelle des amis et proches qu’il a laissés là-bas. Aux côtés de son plus jeune fils, Mohammed, il raconte aux journalistes comment, avec sa femme et ses enfants, il a traversé le Maghreb pour rejoindre la France. Aujourd’hui, il a reçu son récépissé de demande de statut de réfugié.

Fuyant les combats et les atrocités, c’est désormais contre l’administration française que luttent ces familles. Si certains viennent tout juste de recevoir leur récépissé, qui leur accorde un hébergement pendant l’étude du dossier, d’autres vivent encore dans l’incertitude de trouver un logement pour le soir. Aujourd’hui, 16 familles sont prises en charge par l’État, sur 22 ou 26. Ces dernières semaines, ce sont des associations comme Revivre ou le Comité de la déclaration de Damas qui les ont aidées à trouver un logement chaque soir, soit 24 à 30 chambres. Si la mairie de Saint-Ouen a proposé une subvention de 1 200 euros pour prendre en charge une nuit d’hébergement, ce n’est pas assez, estime le Dr. Lababidi, coordinateur du Comité de la déclaration de Damas en France. Pour ces militants, il est incompréhensible que la mairie n’aide pas davantage ces familles à qui, selon eux, le statut de réfugié politique sera de toute évidence accordé. Selon M. Lababidi, la fermeture du parc le 22 avril est « un geste incompréhensible » de la part de la mairie : « Rester sur le trottoir comme ça n’est pas digne de la France et de l’être humain. »

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