Moscou prête au « dialogue »

L’élection à la présidence au premier tour du pro-européen Petro Porochenko rebat les cartes avec la Russie.

Denis Sieffert  • 29 mai 2014 abonné·es

Finalement, le vote le plus européen de ce 25 mai a peut-être eu lieu à Kiev. Les Ukrainiens de l’ouest et du centre du pays ont élu à la présidence dès le premier tour le candidat réputé le plus pro-européen, celui que l’on a surnommé le « magnat du chocolat », Petro Porochenko, qui a recueilli 55,9 % des voix, loin devant la dame aux tresses blondes, Ioulia Timochenko, qui n’a obtenu que 13 %. Autre confirmation de l’aspiration européenne, le score de l’ex-boxeur Vitali Klitschko, connu pour être l’homme de l’Allemagne, qui a conquis la mairie de Kiev avec 57 %. Les mauvaises langues diront que les plus pro-européens sont ceux qui ne connaissent pas encore l’Union européenne. Car, même s’il n’est pas question pour l’instant d’intégration de l’Ukraine à l’Europe, ce sont toutes les potions amères de l’Union européenne qui attendent les Ukrainiens. Milliardaire affairiste qui a fait fortune dans la confiserie (d’où son surnom), Petro Porochenko appliquera sans état d’âme la politique d’austérité que lui dicteront l’Union européenne et le Fonds monétaire international dans le contexte d’une économie en faillite. Mais, dans l’immédiat, son problème sera surtout politique, et peut-être même militaire. Car si la participation a été massive dans le centre et dans l’ouest du pays, le scrutin a été rendu impossible dans le Donbass, tout près de la frontière russe.

Les milices séparatistes ont fait régner la terreur partout où de potentiels électeurs se sont présentés. Les hommes cagoulés ont consciencieusement détruit les urnes qui étaient parvenues jusqu’à proximité des bâtiments officiels à Donetsk ou à Slaviansk. Si les électeurs de M. Porochenko se font sans doute des illusions sur l’Europe, ils sont édifiés en revanche sur le régime Poutine. La propagande de Moscou qui a qualifié de « fasciste », voire de « nazie », la révolution de la place Maïdan a certainement influencé une partie des habitants de l’est du pays, mais elle a renforcé l’hostilité de ceux de Kiev. Aujourd’hui, ce discours est confronté à la réalité. Les deux candidats des mouvements ultra-nationalistes et fascisants qui se présentaient à la présidentielle ont respectivement obtenu 0,9 % et 1,3 % des suffrages. Ce qui n’autorise pas précisément à en faire les éléments les plus influents de la révolution qui a chassé Viktor Ianoukovitch, fin février.

Quoi qu’il en soit, l’élection présidentielle ne va pas résoudre tous les problèmes. Dans le Donbass, la situation, lundi, était plus tendue que jamais. Les abords de l’aéroport de Donetsk ressemblaient à s’y méprendre à une guerre totale. L’aviation ukrainienne bombardait les milices pro-russes qui avaient investi les lieux dès l’annonce de la venue du nouveau Président, qui avait affirmé que l’est du pays ne serait pas une « nouvelle Somalie ». Allusion à la partition du pays de la corne de l’Afrique. Samedi déjà, des affrontements avaient fait une trentaine de morts. Seul signe d’apaisement : le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a indiqué que Moscou « respecterait le choix » du peuple ukrainien, et que la Russie était « prête à un dialogue pragmatique » avec les nouvelles autorités. Mais la question est de savoir si Vladimir Poutine a encore un tant soit peu le contrôle des miliciens qui tiennent toujours de nombreux bâtiments officiels dans l’Est.

Monde
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