Un plan pour changer d’air

Principal risque environnemental pour la santé, la pollution de l’air va figurer parmi les dossiers urgents de l’Union dans les prochains mois. La France est poursuivie pour non-respect de la réglementation.

Ingrid Merckx  • 29 mai 2014 abonné·es
Un plan pour changer d’air
© Photo : Xinhua/Mo Yu/AFP

«Eurodéputés, rendez-nous notre air ! » Le 17 mai, une semaine avant le scrutin européen, France nature environnement (FNE) a lancé une mobilisation sous forme d’alerte. « Plus de 80 % du droit national de l’environnement découle aujourd’hui du droit communautaire. L’Europe a donc un rôle fondamental à jouer. » Neuf urbains sur 10 sont empoisonnés par la pollution atmosphérique, a annoncé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 7 mai après enquête dans 600 villes de 91 pays. Le seuil maximal de 20 microgrammes par mètre cube pour la concentration moyenne annuelle de particules fines est largement dépassé dans un bon nombre de métropoles, notamment au Pakistan, en Inde et en Chine… mais aussi en France, où Paris a connu un épisode d’alerte exceptionnel début mars. La concentration en particules fines – qui provoquent des troubles respiratoires, des maladies cardio-vasculaires et des cancers du poumon – se serait accrue dans le monde de 6 % ces trois dernières années. Et la pollution atmosphérique serait responsable de la mort de 3,7 millions de personnes en 2012, ce qui en fait le « principal risque environnemental pour la santé dans le monde », selon l’OMS. Le 21 mai, l’OCDE a évalué à 3 600 milliards annuels le coût de la pollution de l’air urbain dans les pays industrialisés.

La réponse des gouvernements n’est pas à la hauteur. Au niveau mondial, la prochaine étape consiste en la création d’un observatoire mondial sur la qualité de l’air. En Europe, l’Union va devoir réviser le paquet Air qui influence les législations des États membres. Pour FNE, il s’agit de fixer « des objectifs contraignants et ambitieux pour la réduction des émissions dans le cadre de la directive NEC sur les plafonds d’émissions, en alignant des valeurs guides de la qualité de l’air ambiant avec les recommandations faites par l’OMS ou encore en mettant en place un paquet climat et énergie pour 2030 très ambitieux. » Des mesures qui devraient s’accompagner du renforcement des contrôles et donc des sanctions. La France, qui dispose pourtant d’un des meilleurs réseaux de surveillance de la qualité de l’air (Atmo France 20), est devenue l’un des plus mauvais élèves de l’Union. Les seuils de protection de la santé fixés par la réglementation européenne y sont dépassés pour 5 des 8 familles de polluants réglementés. Ce qui lui vaut des poursuites de la Commission européenne : elle pourrait avoir à payer une amende de 11 millions d’euros puis 240 000 euros par jour jusqu’au retour d’une bonne qualité de l’air. L’estimation des frais sanitaires induits va de 20 à 30 milliards d’euros par an, soit plus que le déficit de la Sécurité sociale.

Plusieurs initiatives récentes tentent cependant d’inverser la tendance. Le 5 mai, la sénatrice Aline Archimbault a déposé pour le groupe écologiste une proposition de loi au Sénat visant à enrayer le drame sanitaire provoqué par le diesel, « dont le soutien public occasionne également un gouffre pour nos finances publiques ». Une taxe poids lourds serait « de nouveau sur les rails », d’après un communiqué d’EELV du 14 mai. Suivant le principe du pollueur payeur, celle-ci devrait dégager 1 milliard d’euros et permettre le développement du fret et du transport fluvial. Le 19 mai, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a dévoilé un plan de lutte contre la pollution de l’air. La capitale n’a pas le pouvoir de décider quel type de véhicule peut circuler sur son territoire. Et seule la préfecture peut réduire la vitesse ou décider de la circulation alternée, comme ce fut le cas le 17 mars. C’est pourquoi le plan Hidalgo demande à l’État d’instaurer un principe de circulation alternée « systématique et rapide » dès le « le premier jour de dépassement du seuil d’alerte ». De son côté, la ville s’engage à la gratuité du stationnement et des transports dès les premières alertes, et à supprimer tous les véhicules diesel dans la flotte municipale d’ici à 2020. Elle propose des mesures pour inciter les habitants à abandonner le diesel et voudrait instaurer une ZAPA (zone à faible émission).

Mais l’événement hexagonal reste le dépôt de deux plaintes contre X « pour mise en danger d’autrui ». La première a été déposée en septembre 2013 par quatre députés écologistes devant le parquet de Chambéry, et la deuxième le 11 mars devant le parquet de Paris par les associations Écologie sans frontière et Respire. Comme pour les procédures sur l’amiante, l’argument juridique est « l’obligation de sécurité de résultat ». Contre la pollution de l’air, c’est une première : les plaignants reprochent aux pouvoirs publics de n’avoir pas utilisé tous les moyens contre la pollution. Deux enquêtes préliminaires ont été lancées. Vice-président d’Écologie sans frontière, Nadir Saïfi a déclaré : « Voir les gendarmes enquêter sur la pollution de l’air, pour moi, c’est un grand moment. »

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