À Rennes, un risque de fuite vers le privé

La réforme est mise en place depuis 2013, mais l’emploi du temps et les activités périscolaires sont contestés.

Sarah Masson  • 28 août 2014 abonné·es
À Rennes, un risque  de fuite vers le privé
© Photo : AFP PHOTO / FRED DUFOUR

Rennes est passé à la semaine de 4,5 jours en septembre 2013. Les enfants scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires publiques de la capitale bretonne, dirigée par le Parti socialiste depuis 1977, ont donc une expérience d’un an des nouveaux temps scolaires et périscolaires. Pour appliquer la réforme, qu’elle souhaitait depuis longtemps, la mairie a tenté de « mieux prendre en compte les rythmes de l’enfant et de favoriser les apprentissages sur une semaine plus équilibrée ». Le temps de classe est réparti sur 4 jours et demi, avec école le mercredi matin. Le matin, les enfants sont en classe de 8 h 45 à 12 h (1) ; l’après-midi, le temps d’apprentissage se déploie de 14 h 15 à 16 h 15 les lundi, mardi et jeudi, et 16 h le vendredi. C’est donc la pause méridienne qui est la plus concernée par les nouveaux temps périscolaires : pendant deux heures et quinze minutes les enfants sont censés déjeuner, participer à des ateliers ou faire la sieste, pour les premières années de maternelle.

Selon la mairie, 600 ateliers gratuits, du sport au yoga en passant par la peinture, sont proposés aux enfants d’élémentaire et de moyenne et grande section de maternelle. Ces ateliers se déroulent soit à l’école, soit dans les structures associatives de quartier ou les centres d’animation. Problème, selon Évelyne Forcioli, du syndicat enseignant SNUipp 35, «   la pause méridienne n’est pas le meilleur moment pour des ateliers périscolaires qui, d’ailleurs, ne sont pas si nombreux ». « Dans les quartiers les plus pauvres, où les familles avaient l’habitude de reprendre leurs enfants pour le déjeuner, le retour à 14 h est beaucoup trop tardif, surtout pour les maternelles, qui ont besoin de faire la sieste, analyse Valérie Faucheux, élue Front de gauche à la mairie de Rennes. Aussi, beaucoup d’enfants ne reviennent pas du tout à l’école l’après-midi, tandis que ceux qui restent à la cantine et à l’étude le soir se retrouvent avec plus de cinquante heures par semaine de présence à l’école. » Plusieurs acteurs, enseignants, parents, élus et syndicats dénoncent l’attitude de la mairie. « Ils ont fait comme ils l’entendaient malgré les demandes des comités de secteur. En fin de compte, la réforme n’a été soutenue ni par les familles ni par les enseignants   », explique Valérie Faucheux.

Un questionnaire à destination des parents pour relancer le dialogue a été distribué en juin, dont les résultats seront publiés à l’automne 2014. « Rennes faisant partie des “villes éducatrices”, la mairie s’appuie sur ce statut pour imposer ses décisions sans réelle prise en compte de l’avis du reste des acteurs éducatifs  », déplore Évelyne Forcioli. Valérie Faucheux s’inquiète quant à elle des conséquences d’une « défiance des parents, alors qu’ils étaient initialement favorables à la réforme. Il y a un grand risque de passage aux écoles privées, que les derniers arrêtés du ministère de l’Éducation nationale autorisent à ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires   ». Plus globalement, la multiplicité des acteurs intervenant auprès des enfants provoque un «   morcellement de la façon dont on s’occupe d’eux, et les parents ne savent pas à qui s’adresser  », ajoute Yannick Le Gargasson, élu Front de gauche à la mairie.

Pour parvenir à un véritable périscolaire de qualité, Florence Prigent, membre du secrétariat UD-CGT 35, pense qu’il faudrait « embaucher du personnel qualifié, proposer des activités gratuites le matin et le soir, inclure tous les acteurs de l’école dans les négociations et, surtout, arriver à un projet cohérent en accord avec les besoins des enfants et les réalités locales ». Un idéal que beaucoup espéraient voir se concrétiser avec la réforme, mais qui ne semble pas à l’ordre du jour.

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