Notre hommage à Christine Daure-Serfaty (1926-2014)

L’actualité et l’interruption du mois d’août ne nous ont pas permis de rendre hommage comme nous l’aurions souhaité à Christine Daure-Serfaty, décédée cet été.

Denis Sieffert  • 28 août 2014
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Notre hommage à Christine Daure-Serfaty (1926-2014)
A ceux qui veulent en savoir plus sur la vie et l’itinéraire de Christine Daure-Serfaty, je recommande l’article de Michèle Fäy dans la revue Esprit.
© Christine Daure-Serfaty aux funérailles de son époux Abraham Serfaty (ABDELHAK SENNA / AFP)

Nous tenons cependant à évoquer ici la mémoire de cette femme admirable, engagée dans tous les combats anticoloniaux pendant la guerre d’indépendance algérienne, puis au Maroc, où elle a enseigné à partir de 1963. Elle avait sans doute hérité cet esprit de résistance d’un père qui, recteur de l’université de Caen, avait été révoqué par Vichy pour son hostilité à la collaboration.

C’est en 1970 que son chemin croise celui d’Abraham Serfaty, militant marxiste qui, comme elle, écrit, pour la revue d’Abdellatif Laâbi, Souffles , foyer intellectuel de la résistance à la dictature. Opposant inflexible d’Hassan II, Serfaty sera bientôt arrêté, torturé et jeté dans la terrible prison de Kenitra. En 1977, il est condamné à la perpétuité. Dès lors, Christine Daure n’aura de cesse de faire connaître en France le sort de Serfaty et des autres militants détenus. En 1981, elle l’épouse à travers les barreaux pour pouvoir continuer à lui rendre visite. Son dévouement et son énergie empêcheront probablement le régime marocain de liquider celui qui devient bientôt, avec Mandela, l’un des plus anciens prisonniers du monde. Elle n’est évidemment pas étrangère à la parution chez Gallimard en 1990 de Notre Ami le roi , livre événement de Gilles Perrault qui révèlera à l’opinion les terribles turpitudes du régime et les connivences de ses amis français. Elle-même prend la plume. Elle entreprend de sauver la mémoire collective des ombres qui périssent sans nom et sans visage dans un bagne dont le régime va jusqu’à nier l’existence. Ce sera Tazmamart, une prison de la mort au Maroc (Stock). Le livre paraît en 1992, un an après la libération d’Abraham Serfaty. Par la suite, elle publiera deux autres récits engagés, La Mémoire de l’autre (Stock, 1993), puis Lettre du Maroc (Stock, 2000), à leur retour au Maroc, après 8 ans de bannissement.

Abraham et Christine poursuivront leur combat, notamment pour la libération des prisonniers palestiniens, jusqu’à la mort d’Abraham en 2010. Christine nous avait plusieurs fois rendu visite à Politis . Et elle nous avait fait l’amitié de nous présenter Abraham Serfaty quelques semaines après sa libération. Nous les avions reçus avec Bernard Langlois. Ce sont des rencontres qui restent gravées dans notre mémoire et qui marquent l’histoire de ce journal.

Monde
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