Le désastre « macron-économique »

Déroger aux 35 heures a pour but de baisser les salaires.

Thomas Coutrot  • 4 septembre 2014 abonné·es

À la veille de sa nomination à Bercy, Emmanuel Macron, encore conseiller économique à l’Élysée, lâchait un missile contre les 35 heures. Interrogé par le Point, il proposait d’autoriser « les entreprises et les branches à déroger » aux 35 heures, en cas d’accord avec les organisations syndicales. L’accueil triomphal fait à cette proposition par le Medef n’a surpris personne. Il est pourtant quelque peu étonnant : depuis 2002, les majorités de droite successives ont adopté pas moins de cinq lois pour détricoter les 35 heures, avec un certain succès. Aujourd’hui, d’après les statistiques officielles, la durée de travail d’un salarié à temps plein est en France de 39,5 heures, contre 38,9 en 2002, juste après la RTT. Depuis dix ans, le temps de travail hebdomadaire a donc augmenté de près de 2 %, et le temps de travail annuel de près de 4 %, notamment par la suppression de jours de RTT, le développement des « forfaits jours » (sans décompte des heures) et l’accroissement des heures supplémentaires.

Les 35 heures ne représentent donc (malheureusement) pas le verrou insupportable que la droite et le patronat décrivent. Les « assouplissements » de la durée légale permettent déjà aux entreprises de négocier librement les heures supplémentaires, en dépassant les contingents fixés par la loi, avec pour seule limite la durée maximale de 48 heures. La durée légale ne représente pas une durée effective de travail, mais uniquement – et c’est déjà trop pour le patronat – un seuil au-delà duquel les heures travaillées sont mieux rémunérées grâce aux majorations pour heures supplémentaires.

Alors que le chômage ne cesse d’augmenter, et les conditions de travail de se dégrader, il serait bien sûr plus opportun de reprendre le mouvement historique de réduction du temps de travail. Lequel avait permis au fil des décennies de partager le travail et de contenir le chômage malgré les gains de productivité. Mais les patrons et leurs économistes néolibéraux n’ont aujourd’hui qu’une idée en tête : réduire les salaires au nom de la compétitivité et des profits. « Déroger » aux 35 heures ne peut avoir d’autre signification : il s’agit de permettre aux entreprises de payer les heures supplémentaires au même tarif que les heures normales. Donc de baisser la rémunération des salariés – la grande majorité – qui travaillent plus de 35 heures.

Depuis plus de vingt ans, l’obsession patronale est « d’inverser la hiérarchie des normes ». Autrement dit, de placer la négociation d’entreprise au-dessus de l’accord de branche et de la loi. À la faveur de la crise de la dette publique, la troïka a ainsi démantelé le droit de la négociation collective en Espagne, au Portugal et en Grèce. La baisse des salaires obtenue a enfoncé ces pays dans la dépression et la déflation. Cette « macron-économie » risque de nous entraîner dans le désastre social et économique. L’arrogance et les coups de menton de MM. Hollande, Valls et Macron n’y changeront rien.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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