Qu’est-ce qu’on lui dit ?

C’est le même Valls qui a été à la manœuvre dans la normalisation des phobies de l’extrême droite.

Sébastien Fontenelle  • 11 septembre 2014 abonné·es

**Manuel Valls,* Prime minister* [^2], vient de déclarer, pour tenter de mieux justifier les vilenies droitières qu’il perpètre depuis de longs mois déjà dans Matignon, que le Front national était « aux portes du pouvoir » – et qu’il était donc obligé d’agir comme il le fait. La première de ces deux propositions n’est pas du tout fausse : c’est même la première fois, depuis des temps presque immémoriaux, si mes souvenirs sont bons, que Manuel Valls, lorsqu’il la formule, dit autre chose que des c… que des bobards. Puisqu’en effet : l’FN, ces temps-ci, culmine, de fait, vers des faîtes [^3] où jamais encore il ne s’était hissé. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, que nous n’épuiserons bien sûr pas ici – dans l’espace restreint de ces deux touuut peeetiiits feuillets – mais que nous devons dès à présent considérer de près, à la fin de ne plus jamais [^4] nous laisser prendre à de certains foutages de gueule.

L’une de ces raisons – nous en regarderons d’autres dans les prochaines semaines – est qu’en l’espace d’une petite quinzaine d’années [^5], bien des digues (discursives et idéologiques) ont sauté, et que, par exemple, les saloperies qui n’étaient naguère dites publiquement que par le Pen –  father  –, et qui par conséquent restaient plus ou moins cantonnées dans les recoins du fafisme, sont désormais couramment proférées, sous le sceau d’une prétendue décomplexion [^6], par des politicien(ne)s venu(e)s d’autres horizons – et toujours données comme des gages de réalisme. De sorte que la Pen –  daughter  – apparaît aujourd’hui comme la cheffe d’un parti qui avait au fond bien raison de vomir partout ses haines – puisqu’aujourd’hui, t’as vu : tout le monde fait pareil.

Cette banalisation d’une logorrhée strictement dégueulasse a été, on se le rappelle, l’un des principaux marqueurs du sarkozysme – qui prétendait ainsi ramener le voteux pénique dans le giron de « la République ». Et depuis que l’autre droite – la « socialiste », donc – a été remise en 2012 dans l’Élysée après avoir juré qu’elle apportait le changement : ça continue. Et ça redouble. Et bien souvent, durant les deux années qui viennent de s’écouler, c’est le même Manuel Valls qui déclame aujourd’hui que l’FN-est-aux-portes-du-pouvoir qui a été à la manœuvre dans la normalisation des phobies de l’extrême droite – et qui a lancé dans l’espace public des rafales d’ignominies sur les musulman(e) s et sur les Roms, et plus généralement sur ce qu’il appelle « l’ennemi intérieur ». Le mec a, pour le dire autrement, déposé des braises partout dans la grange, et le voilà qui se met à crier qu’elle risque de prendre feu : d’après toi, qu’est-ce qu’on lui dit ?

[^2]: Je l’écris in english pour le faire mieux rimer – je parie que tu l’avais deviné – avec Maggie Thatcher.

[^3]: « Allitération, piège à cons » (Jean d’Ormesson).

[^4]: Jamais !

[^5]: En vrai, c’est beaucoup plus ancien que ça, mais disons ici, pour simplifier, que ça remonte au début du siècle.

[^6]: Toujours présentée, il va de soi, comme une héroïque résistance au « bien-pensisme »…

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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