Affaire Halimi : Le crime était crapuleux

L’avocat Gilles Antonowicz produit une enquête rigoureuse sur l’assassinat du jeune Ilan Halimi par le « gang des barbares ».

Denis Sieffert  • 9 octobre 2014 abonné·es

Voilà un livre qui ne peut qu’attirer des ennuis à son auteur. En démontrant, au terme d’un travail rigoureux, que l’assassinat du jeune Ilan Halimi, le 13 février 2006, relevait beaucoup plus du crime crapuleux que du meurtre antisémite, l’avocat Gilles Antonowicz s’expose à deux périls : être la cible des organisations communautaires juives et être instrumentalisé par les antisémites.

Pour éviter ces écueils, l’auteur produit une enquête qui ne prête à aucun moment le flanc à de mauvaises interprétations ou à la récupération. Avocat de la jeune fille qui a servi d’appât au « gang des barbares », Gilles Antonowicz dispose d’une somme de documents incontestables. Il accumule les faits, rien que les faits. Le lecteur de bonne foi ne tardera pas à en être convaincu : non, Youssouf Fofana et ses complices n’ont pas été motivés par un sentiment antisémite. Fofana enlève et rançonne indifféremment. C’est l’argent et rien que l’argent qui motive ce voyou ultra-violent et mégalomane. Et s’il finit par se dire antisémite pendant l’instruction, c’est qu’il jouit soudain de la notoriété que lui confère la campagne médiatique. Devenir antisémite est dans son faible esprit une sorte de promotion. Son crime épouvantable n’est plus un fait divers, c’est un « fait de société », une affaire politique ! Il est toutefois incontestable que le projet crapuleux de Fofana se nourrit d’un préjugé antisémite. Les juifs, dit-il à ses complices, ont de l’argent, et ils sont de toute façon assez solidaires pour payer les rançons. Si l’antisémitisme n’est pas le mobile de son crime, il vient assurément en renfort de son plan sordide. Au-delà de ce débat, le livre de Gilles Antonowicz apporte des éléments terribles sur la gestion par la police de ces 24 jours qui vont de l’enlèvement du jeune homme, à Sceaux, à son assassinat. L’auteur reproduit les neuf conversations téléphoniques entre le bandit, qui tente d’obtenir une rançon, et le père d’Halimi, visiblement mal conseillé par la police. On a l’impression que Fofana est mis au défi. Huit fois sur neuf, c’est le père qui raccroche. Terrible erreur psychologique avec un mégalomane qui n’a aucune barrière morale.

Antonowicz montre aussi, faits à l’appui, qu’Halimi, s’il a été en effet torturé, n’est pas mort sous la torture, mais tué de sang-froid par Fofana, et lui seul, quand le petit caïd a acquis la certitude qu’il n’aurait pas la rançon. Au contraire du discours médiatique dominant selon lequel le jeune homme était mort sous la torture, c’est-à-dire sous les coups conjugués de tout le groupe. Le livre d’Antonowicz invite ainsi à une nouvelle réflexion sur « les emballements médiatiques », quand journalistes et politiques ne savent pas résister au « lobbying effréné » d’organisations juives qui ont voulu mettre en accusation toute une jeunesse des banlieues.

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