Douleur muette

Jacques Vincey met en scène Yvonne, princesse de Bourgogne dans une belle clarté.

Gilles Costaz  • 30 octobre 2014 abonné·es

Yvonne, la princesse muette imaginée par Witold Gombrowicz, n’est pas une femme laide. C’est une femme sans éclat, dont la beauté ou la laideur sont à deviner, à trouver, à débusquer. Mais on n’aura pas le temps de la trouver séduisante ou déplaisante. Toute la cour va la haïr. Reprenons au début : le prince Philippe de Bourgogne rencontre Yvonne. D’autres femmes lui plaisent, mais il se bat en lui-même contre les idées toutes faites et contre les stéréotypes de la beauté et de la vie à la cour. À la stupeur générale, il épouse cette jeune fille apparemment insignifiante. Tandis que courtisans et courtisanes font briller leurs habits clinquants et leurs esprits méchants, la pauvre Yvonne reste silencieuse et traverse les salles du palais, mal fagotée, hagarde. Ses jours de femme mariée à un roi sont comptés. Ses jours de vie le sont également. Le roi l’abandonne, son entourage veut aller au-delà du mépris, jusqu’au meurtre…

C’est un conte cruel , un classique du théâtre moderne, que naguère Lavelli puis Adrien avaient monté dans les clairs-obscurs du baroque. Choisissant cette pièce pour inaugurer sa direction du Théâtre Olympia, centre dramatique de Tours, Jacques Vincey la met en scène au contraire dans une pleine lumière, une clarté de cirque et de music-hall.

Les personnages jouent au squash, traversent un lieu délimité par des rideaux blancs, un canapé gris, une table de réunion et un grand aquarium, avec un jardin luxuriant au lointain. Le roi en costume cravate porte une couronne de carton. Son entourage ressemble plus à des cadres supérieurs accompagnés d’épouses farouchement élégantes qu’aux subalternes d’une monarchie légendaire. C’est bien vu, cela rend l’œuvre plus évidente et directe. Marie Rémond, en Yvonne qui n’a qu’une phrase et qu’un cri à émettre, donne une incroyable intensité à son personnage, traversant le palais et les groupes, gênante, troublante, bouleversante. Alain Fromager est le roi avec une belle faconde. Hélène Alexandridis donne un étonnant relief au personnage de la reine. Jacques Verzier compose un chambellan à la drôlerie noire. Tous au cœur de la cible de la fable de la femme faible !

Théâtre
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