Heureux comme un Amapien en Île-de-France

Le territoire francilien compte de plus en plus d’Amap. Au-delà de la simple distribution de fruits et légumes, le réseau devient moteur dans l’installation de jeunes paysans.

Claude-Marie Vadrot  • 23 octobre 2014 abonné·es
Heureux comme un Amapien en Île-de-France
© Photo : DR

À Fontenay-sous-Bois, le 12 octobre, le réseau des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) d’Île de France fêtait son dixième anniversaire dans les cabanes des Vergers de l’îlot, un demi-hectare d’arbres fruitiers anciens sauvés de l’urbanisation par la mairie, et dont l’entretien et les récoltes sont assurés par une association locale. Cette initiative illustre la réussite d’un réseau de 200 associations dont les responsables ne se contentent pas d’organiser la distribution de paniers de fruits et légumes. Ils participent aussi à l’installation de nouveaux paysans en favorisant l’octroi de prêts, aident à l’achat de terres et instaurent des échanges avec les conseils municipaux. Grâce aux cotisations des membres et aux subventions de la Région, ils font progresser l’agriculture paysanne et bio en Île-de-France, et peuvent rémunérer des permanents pour développer la force du réseau. C’est ainsi que Sylvie Guillot a pu s’installer en 2013 dans le sud de l’Essonne. Elle exploite avec son compagnon, Florent, 4,7 hectares dédiés aux légumes et commence à travailler la culture des aromates, comme le thym, la menthe, la verveine ou le tilleul. Pour démarrer, le couple a bénéficié des conseils et du soutien du réseau : « Ils nous ont beaucoup aidés à la mise en route pour les choix techniques, pour celui des produits, pour appliquer des méthodes prolongeant la production presque toute l’année. Ils nous ont surtout soutenus auprès de la municipalité de Pussay pour trouver les terres dont nous avions besoin. »

Il existe environ 300 Amap sur le territoire francilien, mais leur superficie de 12 000 km2 ne compte que 48 % de surface agricole si l’on inclut les bois et les massifs forestiers. Les terres en bio représentent 1,4 % de la surface agricole utile.

Deux cents Amap (dont 28 à Paris) sont fédérées par le réseau régional de Miramap, l’organisation nationale fondée en 2010. Elles représentent 60 000 familles adhérentes, servies par 185 paysans, dont une quarantaine d’exploitants (2/3 en maraîchage) sont installés avec l’aide du réseau Amap d’Île-de-France. Depuis dix ans, chaque année, il se crée entre 10 et 20 Amap.

Le collectif du réseau est composé de 6 paysans et de 7 amapiens. Il est géré par 4 salariés à temps plein, dont 2 chargés de mission pour les installations d’exploitation.

Le chiffre d’affaires de ces produits d’Amap représente plus de 10 millions d’euros par an. Il concerne les fruits, les légumes, la viande bovine et ovine, la volaille, les œufs, le pain, le fromage, le miel et les aromates.

www.amap-idf.org

Pour Sylvie, tout était à inventer, malgré ses anciennes activités de conseillère agricole. Florent travaillait avec des ONG, loin de l’agriculture : « Pour cultiver et fournir deux fois par semaine 90 paniers à 170 familles, il fallait apprendre à faire des prévisions comptables afin de comprendre ce que le préfinancement du système Amap nous permettait d’envisager. Même si à Nemours, où nous habitions, nous étions déjà des consommateurs “amapiens”. Grâce à cette formation technique, nous avons évité le stress économique.   » L’implication de la commune de Pussay a aussi été un facteur important. C’est avec elle que le couple a signé un bail agricole : le maire espère ainsi redynamiser le village, qui compte 2 000 habitants. Résultat : dès la première année, Sylvie et Florent ont pu se verser un salaire de 1 300 euros chacun. Ils espèrent l’augmenter à 1 500 euros l’année prochaine, avec la mise en route de la vente des aromates, fraîches ou séchées.

Mêmes aides et parcours à l’identique pour Guillain Vergé et Jean-Marc Garric. Depuis un an, ils exploitent 10 hectares de maraîchage à Saulx-les-Chartreux, dans l’Essonne, sur des terres louées à l’Agence des espaces verts (AEV) d’Île-de-France. Des terres achetées à la demande du réseau. « Pour apprendre le métier et le savoir-faire des amapiens, nous avons passé un peu plus de deux ans dans des espaces gérés par l’association Le champ des possibles, explique Guillain, 29 ans. Ce passage dans cette “couveuse” nous a permis de vérifier que c’était bien ce que nous voulions faire. Depuis, nous réservons deux hectares de nos terres à cette association, liée au réseau, pour aider d’autres candidats au maraîchage en Amap. » Désormais, en plus de l’aide administrative apportée à l’achat de terres, le réseau se fait financeur. Comme au Panier des Hameaux, à Magny-les-Hameaux, dans les Yvelines, via l’association Le bonheur est dans le prêt. Le mécanisme est simple : l’association fait appel à des crédits, souvent de petites sommes, par l’intermédiaire de ses membres. Ce trésor de guerre, remboursable sans intérêts, permet à un paysan nouvellement installé de financer l’équipement, la machine ou la serre dont il a besoin. Un soutien qui résume plutôt bien l’esprit solidaire du réseau amapien francilien.

Écologie
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