Le conflit israélo-palestinien, encore…

L’injustice historique faite aux Palestiniens est l’une des principales motivations des jeunes gens en partance pour la Syrie.

Denis Sieffert  • 2 octobre 2014 abonné·es
Le conflit israélo-palestinien, encore…
© Photo : AFP PHOTO/ SAID KHATIB

Il est significatif que des jeunes filles se laissent embarquer dans la périlleuse aventure syrienne en croyant aller soigner des enfants palestiniens. On pourrait, si ce n’était si tragique, sourire de leur naïveté. Mais leur confusion a un sens. Elle rappelle l’importance de la question palestinienne dans l’imaginaire du monde arabe et des jeunes en général, y compris, bien sûr, en France. Même si les aspirants « jihadistes » ne le formulent pas ainsi, beaucoup éprouvent un ressentiment profond à l’égard des pays occidentaux en raison du cynisme des grandes capitales sur ce dossier.

Hormis quelques pro-israéliens d’une mauvaise foi quasi pathologique, tout le monde a compris depuis plusieurs années déjà la stratégie colonisatrice d’Israël. Le refus de ce pays de négocier ** sérieusement et sincèrement la création d’un État palestinien saute aux yeux. La persistance des veto américains et une politique française de plus en plus déséquilibrée apparaissent, dans ces conditions, comme la marque d’un mépris assumé pour le droit international et un défi à l’esprit de justice.

Face à ce qui ressemble à une sorte de provocation morale, le sentiment d’impuissance est à son comble. Le spectacle des bombes sur Gaza et celui de milliers de morts innocents, qui ne semblent pas émouvoir nos dirigeants, ont ajouté à cette rage de vengeance. Pour peu que le contexte social s’y prête, nous avons là quelques-uns des facteurs les plus actifs de ce « jihadisme » français. On n’empêchera pas certains jeunes de penser que les bombes sont « une fois encore » pour des Arabes, même si, en l’occurrence, ceux dont il s’agit sont de dangereux criminels. L’intervention de la coalition contre les barbares de l’État islamique aurait un tout autre sens si les grandes puissances, États-Unis et France en tête, n’étaient pas, dans le même temps, complices des massacres tout aussi barbares de Gaza. La résolution de ce conflit serait un facteur historique d’assainissement des relations entre l’Occident et le monde arabe. Sinon, comment dissiper le soupçon qui pèse sur toute intervention occidentale au Proche-Orient d’être une entreprise coloniale ? Et comment se réclamer du droit international en Irak quand on le bafoue depuis si longtemps à quelques centaines de kilomètres de là ? De même, on n’empêchera pas certains de penser que l’hostilité de Paris et de Washington envers Bachar Al-Assad (une hostilité d’ailleurs inconséquente puisque aucune aide sérieuse n’a été apportée aux démocrates syriens) est motivée par leur soutien à Israël. Comme si les deux cent mille morts victimes de la répression du régime de Damas ne suffisaient pas à justifier la condamnation du dictateur syrien. Le chaos qui règne au Proche-Orient est rendu encore plus illisible par l’impasse du conflit israélo-palestinien. Même s’il est caricatural et faux de voir l’ombre d’Israël partout dans la région – les dirigeants israéliens restent au contraire sur une prudente réserve –, on ne peut empêcher des jeunes gens épris de justice de se nourrir de ce fantasme.

Publié dans le dossier
Jihad : Pourquoi ils partent
Temps de lecture : 3 minutes