Œil indiscret

Le système de repérage des voitures volées fragilise les libertés.

Claude-Marie Vadrot  • 16 octobre 2014 abonné·es
Œil indiscret
© Photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP

Le ministère de l’Intérieur et la police nationale inondent les rédactions de communiqués et de dossiers vantant leur dernier gadget : un œil électronique installé sur les véhicules des douanes, des policiers et des gendarmes, lisant automatiquement les plaques d’immatriculation des voitures dans la rue. Avec offre de reportage pour constater l’efficacité du système. Bien sûr, ce repérage automatisé est présenté comme une aide au repérage des véhicules volés. Les deux capteurs infrarouges, opérant depuis l’avant ou le toit des voitures des forces de l’ordre, sont reliés au fichier des automobiles et des deux-roues déclarés volés. Qu’ils roulent ou qu’ils stationnent, ils sont immédiatement signalés, avec indication GPS de leur position au mètre près. Le système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi), présenté comme « révolutionnaire », n’est pas vraiment nouveau. Il est utilisé depuis plusieurs années en Grande-Bretagne et a prouvé qu’il constituait surtout une atteinte potentielle aux libertés. Et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, la base de données chargée sur chaque véhicule des forces de l’ordre n’est pas mise quotidiennement à jour, ce qui peut provoquer de graves malentendus. Notamment lorsque interviennent des voitures banalisées pour des interpellations susceptibles d’effrayer des automobilistes signalés par erreur. Ensuite, rien n’interdit aux autorités d’intégrer les immatriculations de véhicules de « suspects » (militants ou syndicalistes, par exemple) dont les différents services de police souhaitent connaître le détail des déplacements ou du stationnement sur le territoire.

Enfin, l’exemple anglais l’a montré, rien ne peut empêcher le ministère de l’Intérieur d’ajouter d’autres « détails » à la base de données. L’historique des infractions routières, les amendes non réglées, la situation fiscale et les signalements « politiques »… Sans oublier les liaisons informatiques possibles (et rêvées par la police) avec le fameux système de traitement des infractions constatées (Stic). Un fichier qui recense actuellement près de 40 millions de personnes, dont la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a dénoncé à plusieurs reprises les erreurs, et qui amalgame les auteurs de délits, les gardés à vue relâchés sans poursuites et les victimes. Dernier projet d’utilisation du Lapi : il pourra être utilisé pour mettre en place ou contrôler, comme cela a été le cas à Londres, des péages urbains virtuels, installés à l’entrée de grandes métropoles.

Société Police / Justice
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