Quelle politique monétaire ?

Les aides aux banques doivent être sélectives et conditionnelles.

Dominique Plihon  • 30 octobre 2014 abonné·es

La zone euro est au bord de la déflation, avec un chômage massif. Le seul instrument de politique économique dont elle dispose aujourd’hui est la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE). Or, cette politique est inefficace, comme le prouve l’échec de ses deux dernières mesures. La BCE a baissé au niveau de 0,05 % le taux d’intérêt auquel elle finance les banques. Mais les crédits bancaires aux ménages et aux entreprises continuent de baisser. C’est ce que les économistes nomment la « trappe de liquidités » : toutes les liquidités injectées par la BCE sont thésaurisées. Par ailleurs, pour relancer le crédit, Mario Draghi a lancé un programme de rachat d’actifs adossés à des crédits aux petites et moyennes entreprises. Cette mesure a échoué pour une raison simple : on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Cette impuissance de la BCE démontre, s’il en était besoin, qu’une réforme radicale de la politique monétaire est nécessaire.

Cinq axes de réformes s’imposent. Tout d’abord, la politique monétaire doit être articulée avec la politique budgétaire. Dans le contexte actuel de récession, la politique budgétaire doit prendre la relève à l’échelle européenne. Et ce sous la forme d’investissements ayant pour objectif principal d’accompagner la transition écologique. Ce programme doit être beaucoup plus important que les modestes 300 milliards d’euros proposés par Junker, le nouveau président de la Commission. Il devra être financé, d’une part, par l’émission d’euro-obligations garanties collectivement par tous les États de l’Union européenne et, d’autre part, par la BCE. Ce qui conduit à la deuxième réforme : la BCE doit jouer le rôle de prêteur en dernier ressort des États et financer par la création monétaire une partie des investissements publics en achetant les dettes publiques. Le troisième changement concerne la politique de refinancement des banques par la BCE : les aides doivent être conditionnelles et sélectives. Alors que la BCE prête aujourd’hui à guichets ouverts, il est nécessaire que ces aides soient conditionnées au financement d’opérations prioritaires telles que les crédits aux PME ou la rénovation thermique de l’habitat. Cette sélectivité du crédit a fonctionné avec efficacité avant les réformes néolibérales des années 1980. Quatrième point : la remise en cause de l’indépendance de la BCE résulte de la nécessaire conditionnalité de ses financements. Car c’est aux élus et aux gouvernements d’assigner à la BCE les priorités à respecter pour ses aides aux banques.

Le dernier axe de réforme concerne la gouvernance de la politique monétaire. Il convient de remplacer le fédéralisme monétaire actuel de la zone euro, qui se traduit par une politique monétaire unique et centralisée pour ses 18 membres, par une organisation confédérale de la politique monétaire, laquelle donnerait de l’autonomie aux banques centrales nationales au sein du système européen de banques centrales. Ce qui permettrait de mettre en œuvre des politiques monétaires différenciées selon la situation économique de chaque pays membre. Il ne faut pas oublier, en effet, que la crise de l’euro provient de l’hétérogénéité des situations nationales et de l’absence de politiques permettant de réduire cette crise.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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