Sans-papiers : Traqués par l’Europe

Le Conseil européen lance une vaste opération de chasse aux migrants, préparée dans la plus grande opacité.

Pauline Graulle  • 16 octobre 2014 abonné·es

Le 10 octobre, l’Europe a déclaré ouverte la chasse aux migrants. Pendant seize jours, les sans-papiers seront traqués dans les bus, les trains, aux frontières, et partout où ils se cachent dans 34 pays européens.

But de cette opération lancée par le Conseil européen et pompeusement baptisée « Mos Maiorum [^2] »  ? « Affaiblir la capacité du crime organisé » et « collecter des informations  […] sur les voies empruntées par les migrants pour pénétrer sur le territoire », indique un document divulgué par l’ONG britannique Statewatch. Ou, pour le dire plus clairement : arrêter les sans-papiers, les interroger (nationalité, réseaux par lesquels ils sont arrivés, moyens de transport utilisés) puis… les renvoyer d’où ils viennent. Si les pays participants ont été invités à mettre le paquet sur les effectifs de police, ce gigantesque coup de filet a été préparé dans la plus grande discrétion. Au point que le Conseil européen n’a pas jugé bon d’en informer le Parlement.

« C’est l’opacité la plus totale, explique-t-on à la Cimade, association de solidarité avec les étrangers. On a enquêté auprès des parlementaires, aucun n’était au courant. On ne sait même pas si la France est vraiment partie prenante. » L’ONG précise qu’elle a appris au passage que plusieurs opérations de ce type avaient déjà été menées. « Cela dit, en France, cela ne devrait pas changer grand-chose, nous sommes déjà les champions de l’envoi en centres de rétention. » L’Europe, incapable d’harmoniser ses forces pour venir en aide aux migrants lors des naufrages en mer, a réussi à se mettre d’accord pour les chasser. Quelle réussite !

[^2]: Expression latine désignant le code moral de la Rome antique et signifiant « mœurs des anciens » – par opposition à la décadence de la modernité.

Société
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