Hollande sur TF1 : « C’était passionnant ! »

Face à une femme sans emploi, le chef de l’Etat s’est pris les pieds dans le tapis. Avant de jouer sur du velours avec des questions allant toutes dans le même sens : plus de réformes, trop de déficit, trop d’impôt…

Denis Sieffert  • 6 novembre 2014
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Hollande sur TF1 : « C’était passionnant ! »
© Photo: MARTIN BUREAU / POOL / AFP

Les dirigeants de TF1 auraient voulu charitablement offrir quelques points dans les sondages à François Hollande qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Quelle drôle d’idée en effet que d’avoir ouvert l’émission, jeudi soir, par une séquence « pipol » assez grossière, et tellement éloignée des préoccupations des Français ! Du coup, la gêne manifeste du Président et ses esquives maladroites lui ont plutôt attiré la sympathie. On lui parlait de son escapade casquée avec Julie Gayet, et il répondait « la France est un grand pays » . Les confidences de son ex-compagne…  « la France est un grand pays » .

La suite a été nettement moins favorable. Dans son face-à-face avec une femme sans emploi notamment, François Hollande s’est pris les pieds dans le tapis. En rappelant que seuls 47% des « seniors » avaient un emploi, et en avouant que ceux-là n’avaient aucune chance de retrouver un boulot, il a démontré à son insu que le report de l’âge de la retraite était une aberration. Il a semblé s’en rendre compte. Fugitivement, le discours est devenu mécanique. Personne n’a saisi la balle au bond. Dommage.

Puis est venue l’heure des journalistes. Et c’est reparti. « Vous me parlez de la France, moi je vous parle de vous » , a attaqué Yves Calvi (accompagné d’une promotion insistante pour RTL, cité un grand nombre de fois). L’interrogatoire porte alors sur la « compétence ». Réponse : un festival de « je » et de « moi » censés prouver le chef, le vrai. Un classique de la communication politique. « Les réformes, je les ai décidées moi-même. » « Je prends tous les risques » … Les mauvais esprits auront peut-être perçu à cet instant une pointe d’agacement quand on a vanté devant lui le style Manuel Valls.

Le Président a ensuite joué sur du velours face à des questions allant toutes dans le même sens : plus de réformes, trop de déficit, trop d’impôt… (à libéral, libéral et demi !). Face à cet interrogatoire que n’eût pas désavoué Pierre Gattaz, il aurait presque pu se faire passer pour un homme de gauche. Mais, n’exagérons rien : sommé de promettre qu’il n’y aurait plus l’ombre d’une augmentation des impôts, il s’est exécuté, rassurant le journaliste.

François Hollande était attendu sur la question de la proportionnelle. La rumeur disait que l’on aurait une « annonce ». Point. Le Président a laissé entendre que ça pourrait bien venir… mais pas aujourd’hui. Ambiguïté, quand tu nous tiens. Faute d’annoncer quoi que ce soit, il s’est ensuite essayé dans un registre dans lequel il n’excelle guère : l’exhortation. Le chef qui veut entraîner, rendre la confiance. « La France est capable de grands chantiers. » « La France est capable de grands événements. » Du coup, l’Euro 2016 de football et la conférence sur le climat se sont retrouvés au même rang des ambitions présidentielles. Mais, laissons lui le mot de la fin : « C’était passionnant ! » Pas sûr que les téléspectateurs — ceux en tout cas qui sont allés au bout — aient été du même avis.

Lire > Hollande à la télé: ses principales déclarations


Politique
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