Cerf-volant, jouet de la liberté

Le plus ancien des divertissements n’est pas toujours innocent. Il est parfois chargé de délivrer des messages politiques ou militaires.

Denis Sieffert  • 18 décembre 2014 abonné·es
Cerf-volant, jouet de la liberté
© Photo : Abed / AFP

Il se joue des murs et des frontières. Il symbolise la liberté. Le cerf-volant est sans doute l’un des jouets les plus vieux du monde. On dit qu’il aurait été inventé par les Chinois il y a deux mille cinq cents ans. C’est d’ailleurs de Chine que venait celui trouvé par un enfant montmartrois dans un film charmant et poétique de Roger Pigaut, en 1959, le Cerf-volant du bout du monde. Le gamin y découvrait le message d’un petit Chinois en attente d’une impossible réponse.

C’est aussi le jeu préféré des petits Palestiniens. Ceux qui sont allés à Gaza n’ont pas manqué de voir ces objets volants tournoyer dans le ciel au-dessus de la plage. C’est le jouet de l’évasion, qui peut flotter au gré du vent jusqu’au-dessus de l’Égypte. Mais il n’est pas toujours aussi innocent que cela. Il arrive que les enfants de Gaza le tintent des couleurs du drapeau palestinien, rouge, noir, vert. Et, au moment de l’Intifada, des cerfs-volants marqués du sigle de l’OLP virevoltaient au-dessus des chars. Dans ses chroniques de Gaza, l’essayiste Ramzy Baroud raconte ses souvenirs d’enfant tentant en vain de sauver son cerf-volant face à la colère des soldats israéliens. Très tôt, les Chinois ont chargé le cerf-volant de missions militaires pour envoyer des messages. D’autres, au Moyen-Orient ou en Asie mineure, organisent des combats aériens en armant leurs cerfs-volants d’un fil d’acier. Le jeu consiste à trancher le fil de l’adversaire. L’histoire ne dit pas où s’échappe alors le bout d’étoffe ou de papier libéré… Peut-être atterrit-il dans un arbre de Montmartre, comme dans le film de Pigaut.

Il arrive même que le cerf-volant soit interdit. En Afghanistan, par exemple, au temps des talibans. Nos aimables démocrates y voyaient sans doute un intrus au royaume de Dieu. À moins tout simplement qu’ils n’aient trouvé insupportable ce symbole de liberté capable de décrire dans le ciel toute sorte de signes suspects. Plus que tout autre, le cerf-volant est un jouet politique, chargé de significations. C’est aussi le jouet des pauvres, qui peut être bricolé par des mains habiles avec un peu (ou beaucoup) d’imagination. Mais, dans nos régions, c’est devenu un objet sophistiqué aux mains de spécialistes. Ce n’est plus tout à fait le cerf-volant, mais un « aérodyne », son nom scientifique. Il a ses festivals, ses compétitions et ses records. L’un d’eux a atteint plus de neuf mille mètres d’altitude. Un autre présentait une surface de toile de mille mètres carrés. Mais s’agit-il encore de cerfs-volants ?

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