CGT : par où la sortie de crise ?

Le sort de Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, est lié à la crise interne de la confédération. Pour l’instant sans issue.

Thierry Brun  • 11 décembre 2014 abonné·es
CGT : par où la sortie de crise ?
© Photo : AFP PHOTO / NICOLAS TUCAT

Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT de PSA et militant de Lutte ouvrière, a prononcé tout haut ce qu’un certain nombre de dirigeants confédéraux ont expliqué en coulisse. C’est « intenable et écœurant pour tous les militants d’entreprise, qui tous les jours se battent quotidiennement au côté des salariés contre les patrons, qui en bavent, qui sont en première ligne, qui sont dans les tranchées ». Le syndicaliste, qui a ouvertement appelé à la démission de Thierry Lepaon, fait allusion aux frais d’aménagement de l’appartement de fonction et du bureau du secrétaire général. Surtout, l’indemnité de départ perçue en 2013, quand Thierry Lepaon a quitté l’union régionale de Basse-Normandie pour le secrétariat général de la CGT, a remis au premier plan la crise interne et les manœuvres entre dirigeants syndicaux. Des différends qui avaient émergé en 2013, lors de la succession de Bernard Thibault. « Cela ne passe pas. Ces pratiques ne sont pas conformes à l’éthique syndicale. Il faut que Thierry Lepaon parte ! », lançait un cadre du syndicat que Politis a contacté avant le bureau confédéral (direction resserrée de 10 personnes) du 5 décembre. « Il a fixé lui-même ses indemnités de départ versées par la CGT Basse-Normandie, et la somme dépasse de loin les 30 000 euros. Nos informations indiquent que cela dépasserait les 100 000 euros. »

En réponse à la montée des tensions internes, les dirigeants avaient promis « la transparence complète sur l’ensemble des sujets », lors de la commission exécutive confédérale (direction élargie à 50 membres) du 9 décembre. La commission a pu entendre le rapport d’étape de la commission financière de contrôle et le bureau confédéral devra faire des propositions pour améliorer les procédures financières au sein de la CGT. Elle a aussi validé la démission d’Éric Lafont, administrateur-trésorier. Surtout, le bureau confédéral du 5 décembre a annoncé que se tiendrait, avant le 16 du mois, « une réunion des secrétaires généraux des organisations pour permettre le débat le plus large dans la CGT ». « En convoquant les secrétaires généraux des fédérations et des unions départementales, qui composent le comité confédéral national (CCN), il évite la réunion statutaire de cette instance et la prive de son pouvoir de décision », affirment des militants CGT, ainsi que des membres du bureau confédéral, notamment Éric Aubin et Mohammed Oussedik. Ces derniers avaient plaidé pour le respect des instances et la convocation d’un CCN extraordinaire – le « parlement » de la CGT –, qui aurait pu examiner l’éventuelle démission du secrétaire général, voire de l’ensemble du bureau confédéral.

Il n’en est rien, alors même que l’opposition au maintien de Thierry Lepaon à la tête de la CGT s’est renforcée, comme en témoigne l’affluence de courriers et de textes au secrétariat général. Des noms de successeurs circulent depuis la révélation de l’indemnité de départ de Thierry Lepaon, en particulier celui de Philippe Martinez, secrétaire général de la Fédération de la métallurgie (FTM-CGT). « Cela promet d’être violent » lors de la réunion des secrétaires généraux des fédérations et des unions départementales, anticipe un cadre de la confédération. Selon lui, certains dirigeants confédéraux estiment que Thierry Lepaon « a mis à mal les valeurs de la CGT ». Ils l’accusent d’avoir conduit « à l’échec la réorganisation des structures, ainsi que son action pour donner du contenu aux orientations syndicales. Thierry Lepaon n’a pas su affirmer une ligne cohérente pour la CGT et le syndicalisme rassemblé est aussi un échec alors que cela fait dix ans qu’on négocie avec la FSU ». Des cadres confédéraux souhaitent une mise à plat des orientations de la CGT, qui « n’affirme pas sa ligne sur le terrain en termes de combat, de proposition et de négociation. Par exemple, sur les seuils sociaux  [^2], la CGT a dit qu’elle ne négocierait pas. Et pourtant, elle a fait des propositions qui ont heurté la base militante, en accord avec Thierry Lepaon ». De nouveau au premier plan, la crise interne risque de durer et d’affaiblir le syndicat.

[^2]: Un projet d’abaissement des seuils à partir desquels doivent être mis en place un délégué syndical, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et un comité d’entreprise.

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