Nina, reporter au pays des jouets

Puzzle, épée, figurine ? Dans ce magasin de quartier, le guide a 5 ans et la visite est légèrement intéressée.

Ingrid Merckx  • 18 décembre 2014 abonné·es
Nina, reporter au pays des jouets
© Photo : Jacques Loic / Photononstop / AFP

Nina connaît bien Les Cousins d’Alice. Mais ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas poussé la porte de ce magasin de jouets du XIVe arrondissement. Elle n’habite plus Paris depuis qu’elle est en maternelle, et retourner dans la boutique du père d’Émile, son copain de crèche, lui rappelle des souvenirs. Elle commence son reportage, comme il se doit, par la vitrine. La boutique occupe un coin entre la rue Daguerre et la rue Lalande. Comme Nina a froid, elle fait l’impasse sur la partie « plus pour les bébés » et entre en faisant tinter les cloches. Elle a déjà noté deux ou trois jouets qui l’emballent : une figurine de licorne, « comme ma cousine », une peluche Olaf [le bonhomme de neige de la Reine des neiges, ndlr] et des bulles de plastique où la neige tombe sur des personnages. En entrant dans la pièce bien remplie, ce samedi de novembre, elle arrête son regard sur le papier bleu foncé couvert d’étoiles sur le mur du fond. « On dirait qu’on est dans la Reine des neiges », souffle-t-elle. L’héroïne Disney de Noël 2013 persiste à marquer son imaginaire. D’autres héros de dessin animé, dont ceux de Dragon 2, sont passés depuis. Mais les produits dérivés, moins omniprésents, n’ont pas autant colonisé les esprits.

Nina se demande par quoi elle va attaquer. L’allée centrale longe le comptoir des vendeurs et se termine dans le coin librairie. Celle de droite la conduit vers les peluches. Un rectangle à sa hauteur propose un joyeux bric-à-brac de bidules qui vont des cartes aux billes en passant par des petits avions et des dinosaures à monter en carton léger, des faux nez, des balles bondissantes… De quoi passer des heures à farfouiller. C’est une mine d’or pour les pochettes d’anniversaire ou pour dénicher le petit cadeau récompense-qui-ne-va-pas-chercher-loin-mais-fait-plaisir. En attendant son copain Émile, Nina plonge littéralement dans les étagères de peluches et en ressort avec un chaton marron et blanc qui ne quittera plus ses bras. « Je rêve d’un vrai, mais mes parents ne veulent pas. » Elle est venue trouver des idées pour allonger sa lettre au père Noël, et celle de son petit frère. « Nina, tu as vu le puzzle danseuse ? », lui lance Émile, qui vient de débouler. Lui connaît les lieux comme sa poche, alors il piste plutôt les nouveautés. Le puzzle est déjà sur la liste de son amie. La danseuse, les tons rosés, la boîte qui reprend la forme des bras levés l’ont conquise. Émile préfère la boîte dragon. « C’est plus pour les garçons ! » Nina opine. « Mais j’adore les Barbie et la Reine des neiges », se dépêche d’ajouter Émile, déjouant le piège. Quant à Nina, elle s’accroupit pour examiner les voitures et camions miniatures. « Il faut que les portières s’ouvrent ou le coffre. » A priori, elle est en mission pour son frère, mais elle décide d’élargir le champ d’action : « Je n’en ai qu’une et il en a plein. Comme le pick-up, là, ou le petit bus à fleurs… » Un combi joliment seventies qu’elle aurait bien gardé pour elle.

Le jeu, ensuite, c’est de débusquer ce qu’elle a déjà : « La grande boîte de Kaplaaaa ! Comment il a fait le petit garçon pour faire cette immense maison tout seul ? », souffle-t-elle en pointant la photo sur la boîte. C’est toujours pareil, avec les Kapla : girafe ou château, il faudrait dix boîtes, un tube de colle et un diplôme d’architecte pour faire comme sur la photo. Et les Mikados géants ? « On les a à l’école ! », jette Émile. Une minute devant les calendriers de l’Avent –  « à paillettes »  –, une autre devant les boîtes de loisirs créatifs – surtout les perles –, cinq avec les boîtes à musique –  « j’en ai plusieurs »  –, les loustics en ont plein les yeux. Ils comparent les mobiles élégants qui pendent au plafond, baillent devant les lanternes magiques, puis se ressaisissent en attrapant les épées molles présentées dans un seau. C’est là que leurs petits frère et sœur les rejoignent. Rose pour les filles, bleu-gris pour les garçons, les fabricants se sont surpassés. Et tous les quatre, qui commencent à avoir chaud et envie de gigoter, démarrent un combat vengeur autour des casiers de livres. Le rouge aux joues, ils font une pause devant le maquillage, les jeux de magicien et les masques. Les appels au calme ne les désarment pas. Ils sortent des livres un peu au hasard et s’affalent à même le sol pour les feuilleter en rigolant, s’inter-commentant les images, les épées à la main. En partant, Nina hésite entre emporter une « bulle de neige », la figurine d’Elsa la Reine des neiges et la peluche. Elle prend le chat, l’embrasse sur le museau et le couvre de son manteau « pour pas qu’il ait froid… »

Temps de lecture : 5 minutes