Alertez les bébés (industriels) !

Alexis Escudero, du mouvement critique des technologies, reproche à la gauche d’esquiver le débat sur la bioéthique.

Ingrid Merckx  • 8 janvier 2015 abonné·es

Quel débat à gauche sur PMA et GPA ? Rien, selon Alexis Escudero, qui achève son introduction à la Reproduction artificielle de l’humain par un point de vue qui en choquera plus d’un : la procréation médicalement assistée, il est contre. Mais attention : pour tout le monde, hétéros compris. Cette pratique est, selon lui, le symptôme de la récupération par le capitalisme de processus naturels. « Ce qui se joue ici, écrit-il, c’est l’appropriation (et la destruction) des semences, végétales ou humaines, par le capitalisme et leur transformation en marchandise. » Présenté comme « participant au mouvement critique des technologies », l’essayiste se livre ici à une analyse plutôt marxiste qu’écologiste de la question. La reproduction artificielle de l’humain est devenue un business, et même un levier de croissance. Dans un chapitre un peu guignolesque, il guide le lecteur dans l’industrie florissante des bébés produits artificiellement. Ce qu’il décrit n’est plus de la science-fiction, mais en quoi cela fait-il avancer le débat ?

D’après l’auteur, la gauche française se moque de la marchandisation du vivant. Et de fustiger l’homme d’influence Pierre Bergé, qui déclare : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » Ou la juriste libérale Marcella Iacub, qui défendrait la GPA comme un moyen de se libérer de la maternité par sous-traitance. Ou encore le philosophe « utilitariste » Ruwen Ogien, qui voudrait « désacraliser » le corps.

En matière de bioéthique, la gauche de la gauche se tait, peste Alexis Escudero, de peur d’être accusée de faire le jeu des réactionnaires. Elle laisse donc son anticapitalisme en jachère sur le sujet. Sur sa ligne anti-marchandisation, Alexis Escudero ne semble trouver que la philosophe Sylviane Agacinski, le biologiste Jacques Testart (quand il ne le confond pas avec les scientifiques pro-business), les philosophes André Gorz, Jürgen Habermas et Hans Jonas. Pour lui, l’argument de l’égalité des droits devant la PMA est une arnaque. Non qu’il dénie aux homosexuels les mêmes droits qu’aux hétéros, mais il conteste l’émancipation que cela peut représenter quand lui n’y voit que soumission à l’ordre capitaliste. Selon lui, post-féministes et transhumanistes « vouent une haine sans bornes à la nature ». Mais peut-on défendre la nature ou les biens naturels sans essentialiser les positions ? Cette charge outrancière et parfois équivoque permet au moins de secouer le cocotier alors que les débats sur la PMA et la GPA vont reprendre sur la place publique.

Idées
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