Lee Bains III, réjouissant incendiaire

Deuxième album explosif pour cette formation du sud des États-Unis, dopée à l’électricité.

Jacques Vincent  • 8 janvier 2015 abonné·es

C’est un plaisir rare de décider d’écouter le disque d’un groupe inconnu sur la simple foi du nom et de la pochette, et de tomber sur une musique qui enthousiasme dès les premiers accords. Dans le genre, celui-ci est une trouvaille de choix. Le nom, déjà, est peu commun : Lee Bains III and the Glory Fires. La pochette, avec son lettrage baveux et ces photos plantant un décor qui tient autant d’une foire à la ferraille que d’un spectacle de rue, finit de susciter la curiosité.

Dès l’introduction du premier morceau, « Company Man », on sait que la pioche a été bonne : une première guitare en surdose d’électricité, une seconde qui ajoute une giclée de carburant, toutes deux avec un son aussi sale que le lettrage de la pochette, puis déboule la batterie, qui déclenche un démarrage en trombe et entraîne une voix que l’on croirait nourrie au rythm’n’blues, légèrement fêlée mais pourtant puissante. Disons que si les Stones avaient complètement disjoncté au début des années 1970, décidé de mettre les amplis à fond et de virer Jagger pour le remplacer par un épigone de Rod Stewart, le résultat aurait pu être assez proche de certains morceaux de ce disque. Pur fantasme rock’n’rollien, donc. Qui vient tout droit du sud des États-Unis, d’Alabama, plus précisément de Birmingham, ce qui n’est pas anodin. La ville est en effet devenue au début des années 1960 un symbole de la lutte pour les droits civiques, et la question raciale qui vient de refaire malheureusement surface dans cette partie des États-Unis trouve un écho dans plusieurs chansons du disque. Notamment dans « Company Man », déjà citée, qui parle des accointances entre les compagnies minières et les organisations racistes prônant la suprématie blanche. Mais, en général, chaque chanson part du regard et de l’expérience de Lee Bains sur cette ville où il est né et a grandi ( « Dans le kudzu et le béton/Je suis né au pied de la ville » ), un regard qui, pour être personnel, ne manque jamais d’élargir le propos à une dimension sociale et politique, ce qui ajoute un intérêt supplémentaire à un album qui, par son urgence et sa radicalité premières, nous avait déjà totalement conquis. Un formidable disque de rock, un des plus excitants depuis longtemps.

Musique
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