On connaît la chanson

Cinq saxophonistes reprennent dix grandes mélodies portées par des arrangements inspirés.

Ingrid Merckx  • 29 janvier 2015 abonné·es
On connaît la chanson
Chansons et sons d’anches , Radiosax, Juste une trace. Voir la VIDEO

Un disque à cinq sax : Jean-Paul Mallet, Pascal Gaubert, Philippe Chagne, Baptiste Herbin et Olivier Defays. Pas un format courant. Avec la rythmique (Ludovic Allainmat au piano, Gilles Naturel à la contrebasse, Philippe Soirat à la batterie), ils sont huit sur scène. Car Chansons et sons d’anches a été enregistré live. Devant des spectateurs qui, connaissant par cœur les dix chansons célébrées, les fredonnaient presque. « Ça nous donnait une force incroyable », témoigne Philippe Chagne (baryton). Donc, à Radiosax – sorte de big band dont on aurait sorti les cuivres –, s’ajoute un public. Mais aussi les sept arrangeurs auxquels le groupe a fait appel pour (re)mettre en musique avec lui ces mélodies de Gainsbourg, Trenet, Brassens, Vian-Goraguer, Dréjac-Giraud, Nougaro-Vander, Prévert-Kosma, Piaf-Monnot. Presque une foule qui se serre derrière ce disque conçu par des musiciens qui, s’ils poursuivent une solide carrière, nourrissent peu de projets directement sous leur nom – excepté Baptiste Herbin et Gilles Naturel.

Chansons et sons d’anches repose sur un travail d’instrumentistes mais aussi d’arrangeurs. De quoi mettre en lumière la façon dont cette musique se fait aujourd’hui, en marge des voies pavées d’or, peut-être, mais au plus près des notes, avec des musiciens qui pratiquent leur art comme un jeu de construction à plusieurs, combinant culture commune et improvisations, artisans au sens noble. Jusqu’au label (Juste une trace) et au graphiste, Thibault Joyeux, réalisateur d’animations en papier découpé. La pochette est écrite en grande partie en anglais, discordance amusante pour un ensemble all made in France qui se pare ainsi d’un costume de voyage.

Brassens swingue, aucun doute, mais il faut entendre « la Mauvaise Réputation » démarrer sur un rythme de salsa (Zool Fleischer et Philippe Chagne) pour réaliser à quel point. Sous la cadence latine, cette chanson se fait plus joyeuse et insolente. La prouesse, comme dans « la Chanson pour l’Auvergnat » (François Biensan) ou « Je bois » (Rémi Toulon), c’est d’avoir réussi à insérer des solos avec autant de personnalité dans des partitions si réputées. « Le Poinçonneur des Lilas » gagne en légèreté, accentuant le pied de nez de Gainsbourg mais gommant un peu de sa noirceur. « Que reste-t-il de nos amours » prend de la profondeur. « Les Feuilles mortes » est une leçon de genre pour tous les élèves qui en répètent la grille comme d’autres « la Lettre à Élise ». Ce disque révèle un sens aigu du compagnonnage et de la transmission. Un air pas si connu, pour le coup.

Musique
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