Un scandale démocratique

Roland Dumas avoue que le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne irréguliers de Chirac et Balladur en 1995. Mais personne ne s’en émeut.

Denis Sieffert  • 29 janvier 2015 abonné·es
Un scandale démocratique
© Photo: Roland Dumas, ancien président du Conseil constitutionnel (JOEL SAGET / AFP)

Voilà des aveux qui devraient faire scandale et qui, jusqu’à preuve du contraire, glissent comme sur les plumes d’un canard. Ex-président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas avoue, jeudi dans les colonnes du Figaro , que les comptes de campagne d’Edouard Balladur et ceux de Jacques Chirac pour l’élection présidentielle de 1995 étaient « manifestement irréguliers » . En toute connaissance de cause, les « sages », comme on les appelle, ont tout de même décidé, sous l’impulsion de leur président, de valider l’élection de Jacques Chirac.

Pas gêné, Roland Dumas dit avoir agi « par esprit républicain » . « Je suis convaincu , ajoute-t-il même, que j’ai sauvé la République. » Ces révélations en disent long sur l’état de notre démocratie. Elles mettent une fois de plus en lumière l’impasse dans laquelle nous conduit cette élection du président de la République au suffrage universel, qui soumet notre pays à la loi du fric et à toutes les démagogies.
Seules se disent indignées — et on les comprend – les familles des victimes de l’attentat de Karachi. Elles n’oublient pas que dans les comptes de campagne excédentaires d’Edouard Balladur, il y avait dix millions de francs « d’origine inconnue » qui pourraient bien correspondre à une rétrocommission versée pour un contrat de vente d’armements au Pakistan. Or, l’attentat qui, en 2002 à Karachi, avait coûté la vie à quinze personnes, dont onze ouvriers et ingénieurs français, avait été attribué par les enquêteurs à un possible manquement de la parole de la France dans la réalisation de ce contrat.

Autre scandale dans le scandale : il a fallu attendre le mois de juin dernier pour que la Cour de justice de la République lance des investigations sur Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense, François Léotard. Douze ans après les faits ! Un peu de patience et l’action en justice s’éteindra faute de survivants… « L’esprit républicain », si souvent invoqué ces temps-ci, n’est peut-être pas seulement menacé par les enfants de 8 ans qui refusent de faire une minute de silence à l’école…