Michelin 2015 : le sacre de Bocuse !

La dernière édition du guide gastronomique se signale par une curiosité : voilà un demi-siècle que Bocuse peut se targuer de trois étoiles !

Jean-Claude Renard  • 2 février 2015
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Michelin 2015 : le sacre de Bocuse !
© Photos : Jeff Pachoud ; Patrick Kovarik/AFP

Le Guide rouge ne pèse plus ce qu’il était , mais chacune de ses éditions reste un événement dans le paysage gastronomique. Sans doute parce que, malgré ses quelque 60 000 exemplaires vendus (contre dix fois plus il y a une dizaine d’années), il est le seul à peu près respecté des chefs de cuisines. Reconnaissance du ventre oblige : une étoile en plus (ou en moins), c’est entre 20 et 30 % de couverts en plus (ou en moins) pour les restaurateurs.

Le verdict de l’édition 2015 est donc tombé ce lundi, précédant d’un mois la sortie habituelle (sans doute le Michelin s’est-il lassé des fuites systématiques dans les années passées). Comme on s’y attendait, cette édition fait la part belle à Yannick Alléno, couronné de trois étoiles aux cuisines du palace parisien, Ledoyen. Sur le modèle de son rival, le Gault&Millau , qui le consacrait chef de l’année à l’automne 2014, le Michelin ne récompense par un perdreau. Alléno est arrivé au Pavillon Ledoyen en juillet dernier, la musette pleine : il est aussi chef au 1947 et au White, à Courchevel, au Terroir parisien, à nouveau dans Paris (au Palais Brongniart et à la Maison de la Mutualité), encore à l’hôtel Salomon de Rothschild, au Dior des Lices, à Saint-Tropez, dans trois établissements à Marrakech, trois autres à Dubaï, un à Pékin, deux autres enfin à Taipei. Parallèlement, façon Alain Ducasse, il a créé sa propre structure éditoriale, additionnant livres et revues, et une école de cuisine.

Illustration - Michelin 2015 : le sacre de Bocuse !

Prix du menu au Ledoyen  : 245 euros (hors vin). A la carte, le turbot en tronçon, rôti à l’os à moelle/artichaut camus au gratin au parmesan est à 120 euros ; les ris de veau en écailles de châtaigne à 158 euros. Pour le Michelin , l’excellence française trouve-t-elle sa place seulement dans le luxe ? En 2014, celui qui fait la pluie et le beau de la cuisine avait au moins couronné un chef propriétaire (et non pas un palace), en la personne d’Arnaud Lallement, au Tinqueux, à côté de Reims, bien calé dans ses cuisines. Est-ce pour ménager la chèvre et le chou ? Cette nouvelle édition décerne aussi trois étoiles à René et Maxime Meilleur, père et fils, installés dans leur maison, La Bouitte, à Saint-Martin-de-Belleville, en Savoie, proposant un menu à partir de 115 euros. Cette troisième étoile, cette histoire familiale aurait pu la décrocher avant. Comme Guillaume Iskandar méritait déjà l’an passé sa première étoile, au restaurant Garance (Paris 7e), obtenue cette fois, et bien heureusement (à 34 euros le déjeuner, 65 euros au dîner, ça laisse rêveur). Cela fait partie des éternelles cuisines du Michelin , de ses tambouilles acrobatiques. De fait, le métronome de la table ignore toujours Le Pont aux chats, à Strasbourg (Véronique et Valère Diochet), le Saint-Georges, à Palavas-les-Flots (Paul Courtaux), ou encore Le Caïus, à Paris (Jean-Marc Notelet). Ce dernier propose pourtant l’une des plus belles tables parisiennes, élégante et gourmande, avec curieusement (par les temps qui courent), un cuisinier qui cuisine en cuisine !). A 42 euros le menu, sans doute n’est-ce pas assez élevé pour espérer une étoile !

Si beaucoup d’observateurs vont saluer les deux nouveaux établissements promus au firmament de la gastronomie, la véritable pépite de cette édition 2015 réside aux portes de Lyon, à Collonges-au-Mont-d’Or. Paul Bocuse y recevait sa troisième étoile en 1965. A 89 ans, l’empereur des gueules est toujours auréolé de ses trois étoiles. Voilà donc cinquante ans de récompense suprême. Un modèle Bocuse ? C’est peu dire : il a additionné les adresses à Lyon, au Japon, aux Etats-Unis, sous contrat avec Disney, il a travaillé avec Fleury-Michon, créé le Bocuse d’or, concours international de cuisine, signé moult partenariats, avant d’inaugurer encore, en 2013, un restaurant-école à New York. Finalement, si Yannick Alléno se dit être un chef « contemporain » , il est un aussi un héritier de Paul Bocuse, véritable star de cette édition 2015.

Culture
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