Associations citoyennes : un printemps de crise

Le Collectif des associations citoyennes tire la sonnette d’alarme sur les conséquences de la rigueur dans ce secteur. Didier Minot, l’un de ses animateurs, explique les raisons d’un appel à la mobilisation.

Thierry Brun  • 26 mars 2015
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Associations citoyennes : un printemps de crise
© Photos: Atelier de formation de bénévoles intervenant auprès des malades, Clowns dépendants d'une association d'accompagnement des patients au CHU de Limoges (BURGER/PHANIE)

Le Collectif des associations citoyennes (CAC), qui a lancé, partout en France, le « printemps des associations citoyennes » jusqu’au mois de juin, appelle à des mobilisations et à des actions associatives pour défendre un secteur menacés par les baisses des dotations de l’Etat aux collectivités. Ce réseau créé en 2010 regroupe 1 500 associations dont 90 réseaux nationaux, qui représentent environ 1 million d’adhérents, et 12 000 personnes à titre individuel.

Un premier diagnostic réalisé par le collectif des associations citoyennes montre un secteur en grande difficulté. Quelles en sont les raisons ?

Didier Minot [^2] : Dès 2010, nous nous sommes intéressés au devenir des associations citoyennes, c’est-à-dire celles qui contribuent au bien commun, à l’intérêt général et à la transformation sociale. Nous avons recensé plusieurs centaines d’actions associatives qui montrent que, malgré leurs difficultés, les associations agissent pour préparer la société de demain. L’action conjuguée de centaines de milliers d’associations sur le champ de l’écologie, de l’éducation populaire, du lien social, de la défense des droits, etc., trace les contours d’une société plus humaine, porteuse d’une alternative globale.

Mais cette contribution essentielle pour l’avenir risque d’être mise à mal avec les restrictions budgétaires déjà programmées par le gouvernement et des collectivités. Le plan de rigueur 2015-2017 décidé par le gouvernement, à la demande de Bruxelles, se traduit par une baisse de 11 milliards d’euros sur trois ans du niveau de la dotation de l’État aux collectivités et par un recul équivalent de l’ensemble des financements publics.

Selon nos analyses, les restrictions budgétaires se sont déjà traduites en 2014 par la perte de 25 000 à 30 000 emplois qualifiés, (compensées temporairement par la création de 40 000 emplois d’avenir peu qualifiés) et peut conduire, en l’absence de nouvelles mesures, à la perte de 200 000 emplois sur les trois années à venir.

Cela veut-il dire que l’État arbitre au détriment du secteur associatif ?

Les collectivités représentent près de 60 % de ce financement, le reste venant de l’Etat, des caisses d’assurance maladie et des caisses d’allocations familiales pour le secteur social. Globalement, c’est l’ensemble des sources de financement public des associations qui est en train de se tarir. Pour 2015, les pertes se chiffrent déjà en milliards d’euros (2,6 selon nos estimations). Manuel Valls a annoncé le déblocage de 100 millions d’euros (environ 5 % du total des pertes) aux associations « qui s’investissent là où elles sont le plus vitales » . Certains grands réseaux associatifs sont à la manœuvre pour capter cette manne. Nous demandons la plus grande transparence dans l’utilisation de ces fonds.

Quels sont les secteurs concernés par la baisse de subventions aux associations ?

Nous avons établi une « cartocrise associative » qui permet de visualiser 70 décisions municipales. Face à la réduction de leurs moyens, la plupart des communes diminuent de 6 à 10 % leurs subventions aux associations, mais les réductions sont parfois de 40 à 50 %. Même si ces observations sont provisoires, elles indiquent une forte dégradation. La culture est le secteur le plus touché. C’est là qu’il y a le moins d’engagements à long terme.

L’hécatombe a déjà commencé et va en s’amplifiant. Une liste montre que 150 festivals, activités et manifestations culturelles sont annulés ou remis en cause depuis les municipales. Un certain nombre de mairies passées à droite remettent en cause la culture mais aussi le social en sens large, c’est-à-dire le travail des MJC, des centres sociaux et tout le travail fait dans les quartiers ou dans des territoires ruraux difficiles. Elles préfèrent se concentrer sur des activités porteuses de compétitivité, de prestige, etc. Par exemple, à Romans, le financement des cinq MJC et centres sociaux a été amputé de 40 % par le maire.

Les restrictions budgétaires en 2015 sont déjà graves. Mais les nouvelles baisses programmées en 2016 et en 2017 conduisent à de véritables ruptures, avec la disparition d’associations qui auront épuisé leurs réserves et ne pourront plus maintenir leurs services.

Quelles sont les conséquences de la disparition progressive du tissu associatif ?

François Hollande, le Premier ministre et le ministre chargé de la ville ont insisté sur la nécessité de « recréer un nouveau mouvement d’éducation populaire » , souhaitant un « New Deal avec le mouvement associatif » . On se félicite de ces déclarations mais on observe un double discours au sein du gouvernement. Les baisses de financements se poursuivent massivement. La réforme territoriale aggrave leurs effets en créant une incertitude qui va se prolonger jusqu’en 2017.

L’État et de nombreuses collectivités continuent de privilégier les appels d’offres. On sent que le gouvernement prépare le terrain pour instaurer des partenariats public-privé pour le financement de certaines associations. La transposition des directives européennes concernant les marchés publics et les concessions étend l’obligation d’achats par appels d’offre à toutes les structures de droit privé bénéficiant majoritairement de financements publics. C’est l’effet simultané de toutes ces remises en cause qui risque de conduire à un véritable tsunami.

Vous demandez au gouvernement qu’un diagnostic soit réalisé sur l’impact des restrictions budgétaires concernant les associations…

On est déjà dans la préparation du budget de l’Etat pour 2016. La Commission européenne va poser ses exigences avant même que le Parlement délibère. C’est pourtant dans ce budget que se décident les choix les plus importants pour les associations. L’Association des maires de France a de nouveau souligné le caractère intenable d’économies à hauteur de 11 milliards d’euros sur trois ans et a obtenu un groupe de travail avec le gouvernement, qui doit analyser l’évolution des finances du bloc local et son impact sur l’investissement public.

Nous demandons qu’à cette occasion un état des lieux soit réalisé pour évaluer les incidences du plan de rigueur sur le financement des associations, ses conséquences politiques, sociales et culturelles. Dans le cadre du « Printemps des associations citoyennes », nous nous mobiliserons pour être entendus et faire prendre conscience de la gravité de la situation.

[^2]: Didier Minot a publié « Des associations citoyennes pour demain » (éditions Charles Léopold Mayer, 2013). Voir le programme des mobilisations locales sur le site www.associations-citoyennes.net

Temps de lecture : 5 minutes
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