La Tunisie endeuillée après l’attaque du musée du Bardo

Les appels à l’union nationale se multiplient depuis l’attaque, mercredi, du grand musée national, qui a fait 21 morts.

Lena Bjurström  et  AFP  et  Ayman Khadre  • 19 mars 2015
Partager :
La Tunisie endeuillée après l’attaque du musée du Bardo
© Photo : SOFIENE HAMDAOUI / AFP

Vingt et une victimes, 47 blessés. C’est le lourd bilan de l’attaque du musée du Bardo à Tunis, mercredi, revendiquée par le groupe État Islamique.

Mercredi, vers 12h30, deux hommes ont ouvert le feu sur des touristes qui descendaient d’un car près du musée national de la capitale tunisienne, puis dans l’enceinte du bâtiment où ils se sont retranchés avant d’être abattus lors de l’assaut des forces de police tunisiennes.

Italiens, colombiens, japonais, polonais, australiens, espagnols… Vingt touristes étrangers, dont deux français sont morts. Un Tunisien, agent des forces de l’ordre, a également été tué lors de l’assaut contre le musée.

Seule heureuse nouvelle, deux touristes espagnols portés disparus ont été retrouvés jeudi matin sains et saufs dans le musée, où ils avaient passé la nuit cachés à l’initiative d’un employé. Les autorités n’ont pas expliqué comment ils avaient pu ne pas être trouvés par la police.

Le groupe État islamique (EI) a revendiqué l’attentat, dans un message audio diffusé jeudi sur les sites jihadistes.

Les deux auteurs de l’attaque tués, neuf autres personnes interpellées

Baptisés «Abou Zakaria Al-Tounsi» et «Abou Ans Al-Tounsi» par l’EI dans son message audio, les deux agresseurs seraient Yassine Abidi et Hatem Khachnaoui, selon les autorités tunisiennes, tous deux âgés de moins de 30 ans.

Jeudi, la présidence tunisienne a annoncé l’interpellation de neuf personnes suspectées d’avoir été en relation avec les deux hommes.
«Le chef du gouvernement […] a indiqué que les forces de sécurité avaient pu arrêter quatre éléments en relation directe avec l’opération et cinq autres soupçonnés d’être en relation avec cette cellule» , a indiqué la présidence dans un communiqué, ce jeudi, sans préciser le rôle et l’identité de ces suspects.

Dans son message audio, l’EI a menacé la Tunisie d’autres attaques, et affirmé que c’était bien le musée du Bardo, et non pas le parlement mitoyen, qui était visé. L’objectif : semer «la terreur dans le cœur des infidèles» à en croire ce message audio dans lequel le groupe jihadiste se félicite que les «frères» soient parvenus à «prendre en otage un groupe de ressortissants des États croisés» .

Le président tunisien affirmait déjà mercredi soir qu’il s’agissait d’un attentat terroriste.

«Je veux que le peuple tunisien comprenne que nous sommes en guerre contre le terrorisme» , a ainsi déclaré Béji Caïd Essebsi, avant d’ajouter «nous allons les combattre sans pitié jusqu’à notre dernier souffle» .

La présidence tunisienne a annoncé jeudi que l’armée participerait à «des mesures de sécurisation des grandes villes» . Des militaires seront notamment amenés à effectuer «des patrouilles à l’entrée et aux alentours des grandes villes» , «dans la coordination la plus totale» avec la Garde nationale (gendarmerie), a déclaré à l’AFP une source à la présidence, tout en précisant : «On n’est pas en état de siège.»

Le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve se rendra vendredi à Tunis pour examiner la coopération anti-terroriste entre les deux pays.

«La Tunisie est libre»

Depuis hier, les appels à l’union nationale se sont multipliés.

Plusieurs organisations et syndicats ont appelé à un rassemblement silencieux, ce jeudi à 16h (heure locale), afin de «montrer notre unité nationale dans la lutte contre le terrorisme» .

Quelques heures après l’attaque, une centaine de personnes s’étaient déjà rassemblée dans le centre de Tunis, criant notamment «La Tunisie est libre, les terroristes dehors» . Sur les réseaux sociaux, les messages de soutiens se sont multipliés depuis hier, comme ce slogan, «Je suis Tunisien» , reprenant la formule des manifestations du 11 janvier en France.

Cette attaque, la plus sanglante depuis l’attentat d’une synagogue à Djerba en avril 2002, est la première à viser des civils depuis la révolution de janvier 2011.

C’est également un coup dur pour l’économie tunisienne dont le tourisme, qui représente 7% du PIB, est un secteur clé. Très affecté par l’instabilité politique qui avait accompagné le départ de l’ex-dictateur Ben Ali, ce secteur économique en crise avait vu son activité remonter depuis quelques mois.
Des entreprises de tourisme étrangères, comme les groupes italiens MSC et Costa Croisières, ont déjà annulé leurs escales dans la capitale tunisienne.

De leur côté, les organisateurs du Forum Social Mondial, qui doit se tenir la semaine prochaine à Tunis, ont annoncé qu’il serait maintenu.

«Plus que jamais, la large participation au FSM sera la réponse appropriée de toutes les forces de paix et de démocratie qui militent au sein du mouvement altermondialiste pour un monde meilleur, de justice, de liberté et de coexistence pacifique» , ont-ils déclaré dans un communiqué.

60 000 personnes sont attendues mardi dans la capitale tunisienne.

Lire > FSM : Tunis, capitale altermondialiste


Monde
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier