Martine Aubry bat en retraite

La maire de Lille, qui menaçait de déposer sa motion, devrait y renoncer après avoir obtenu deux gestes de François Hollande et du gouvernement.

Michel Soudais  • 9 avril 2015 abonné·es
Martine Aubry bat en retraite
© Photo : AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN

C’est samedi que l’on connaîtra le nombre de motions soumises au vote des militants socialistes au congrès de Poitiers. S’il était acquis, en début de semaine, que les sensibilités de la gauche du PS se retrouveront sur un texte unique, le ralliement de Martine Aubry à la motion de la direction du PS était en bonne voie.

La maire de Lille avait pourtant multiplié, depuis l’été, les coups de griffe contre le gouvernement de Manuel Valls et la « méthode » Hollande. D’abord sur la réforme territoriale et le détricotage de la loi Alur. Puis sur la politique économique du gouvernement, avec des arguments très proches de ceux avancés par les frondeurs. En septembre, elle avait refusé de sermonner ceux qui s’apprêtaient à ne pas voter la confiance au gouvernement Valls 2, avant de plaider un mois plus tard, dans un texte versé au débat des États généraux du PS, pour « une nouvelle social-démocratie », c’est-à-dire « ni le libéralisme économique ni le social-libéralisme ». Début février, la contribution de Martine Aubry pour le congrès de Poitiers était un nouveau coup de semonce. Une manière de dire qu’elle ne s’interdisait pas de déposer une motion, et qu’à tout le moins il faudrait compter avec elle. Dans ce texte, elle réclamait un « choc d’égalité dans le pays », « plus de social », une grande réforme fiscale et des « contreparties » au pacte de responsabilité… Dès lors, il eût été cohérent que Martine Aubry appuie ces « frondeurs » qu’elle décrivait mi-octobre comme « des députés qui connaissent l’économie, souhaitent le succès du gouvernement et portent une vision de la Ve  République où le Parlement est pleinement respecté dans ses prérogatives ». Mais, au PS, les positionnements de congrès ne sont plus guidés depuis longtemps par des logiques de conviction. Après le second tour des départementales, analysé comme un « vote de protestation par rapport à la politique nationale », Martine Aubry a réuni une centaine de parlementaires et d’élus locaux, le 31 mars, à l’Assemblée. Dans ce huis clos, la maire de Lille, affectée par la perte du département du Nord, s’en est prise de nouveau aux « erreurs » de Manuel Valls tout en ménageant François Hollande, qui reste à ses yeux « le candidat naturel de la gauche en 2017 ». Et si l’opportunité du dépôt d’une motion a longuement été discutée, la décision a été reportée à une réunion ultérieure, le 7 avril.

D’ici là, Martine Aubry, qui avait été reçue avec Jean-Marc Ayrault à l’Élysée le 24 mars, attendait du Président et du gouvernement « des signes forts » lui permettant de rallier la motion de Jean-Christophe Cambadélis. Deux auront suffi. Le premier est venu de François Hollande, qui, en visite dans l’Oise, a évoqué vendredi la création d’un « compte personnel d’activité », « capital des salariés » qu’ils pourraient garder « tout au long de [la] vie professionnelle », sans toutefois l’annoncer formellement. Dans sa contribution, l’ancienne ministre du Travail réclamait la mise en place d’une « sécurité sociale professionnelle », qu’elle présentait comme « la grande œuvre sociale de ce quinquennat ». Enfin, la convocation d’un séminaire gouvernemental, le 8 avril, à l’issue duquel des annonces en faveur de l’investissement public et du pouvoir d’achat devaient être faites, a également été perçue par les plus proches de Martine Aubry comme un geste de réconciliation. Dès lors, la maire de Lille, qui ne demandait qu’une « inflexion » de la politique économique, peut estimer avoir été entendue.

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