Prostitution : Le Sénat choisit les clients

Retour du délit de racolage, mais pas de pénalisation du client.

Ingrid Merckx  • 2 avril 2015 abonné·es

Douze ans en arrière. Dans la nuit du 30 au 31 mars, lors de l’examen de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, le Sénat a rétabli le délit de racolage passif instauré par Nicolas Sarkozy en 2003. Dans le même temps, il a rejeté la disposition prévoyant de pénaliser le client. Soit l’exact contraire de ce que proposait le texte. Si la pénalisation divise féministes et associations de prévention, le retour du délit de racolage passif met tout le monde d’accord. Le Mouvement du nid (abolitionniste) dénonce un choix « réac, déshonorant et irresponsable ». Médecins du monde (opposé à la pénalisation) rappelle que ce délit a précarisé et criminalisé les personnes prostituées. La ministre de la Santé a jugé le choix des sénateurs « invraisemblable et régressif », « incroyable et méprisant à l’égard des femmes » .

Si 75 % des sénateurs sont des hommes, 75 % des personnes prostituées sont des femmes. Le texte, adopté à 162 voix contre 42 (mais 125 abstentions), doit revenir devant l’Assemblée. La secrétaire d’État aux Droits des femmes, Pascale Boistard, dit vouloir réintroduire la pénalisation. Qu’en serait-il du délit de racolage passif ? En cas de désaccord avec le Sénat, les députés auraient le dernier mot. Un autre amendement voté par les sénateurs permet le blocage administratif des « sites Internet favorisant la traite des êtres humains et le proxénétisme ». C’est une mesure similaire à celle qui prévoit le blocage des contenus concernés par la loi pour la confiance dans l’économie numérique ainsi que des sites faisant l’apologie du terrorisme. Problème, alerte la Quadrature du Net, qui a soumis aux députés des alternatives « plus efficaces et moins dangereuses  » ( via une plateforme de signalement) : elles autorisent le pouvoir administratif à se passer d’un juge et à jouer le rôle de censeur. Aux députés de remettre de l’ordre ?

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Immigration : la course à l’extrême
Analyse 23 octobre 2024 abonné·es

Immigration : la course à l’extrême

Depuis quatre décennies, nos gouvernements de droite comme de gauche s’illusionnent en pensant qu’un durcissement des lois sur l’immigration fera reculer le vote d’extrême droite.
Par Michel Soudais
La société civile se mobilise déjà contre la future loi immigration de Bruno Retailleau
Enquête 23 octobre 2024 libéré

La société civile se mobilise déjà contre la future loi immigration de Bruno Retailleau

Aux premières loges face au basculement de la droite à l’extrême droite sur l’immigration, les associations s’inquiètent du sort à venir des migrants dans le pays. Avec les intellectuels engagés, elles se mobilisent contre la loi immigration et tentent d’organiser la riposte.
Par Nils Wilcke
Abroger la réforme des retraites ? « C’est loin d’être impossible »
Colloque 22 octobre 2024 abonné·es

Abroger la réforme des retraites ? « C’est loin d’être impossible »

À l’Assemblée nationale, le 21 octobre, organisations syndicales et patronales ont débattu et donné leurs pistes pour mieux financer le système français des retraites. Au cœur de ces discussions, la question de l’abrogation de la réforme d’avril 2023 est apparue toujours aussi prégnante.
Par Pierre Jequier-Zalc
Budget de la Sécu : le discret cadeau du gouvernement au patronat
Social 18 octobre 2024 abonné·es

Budget de la Sécu : le discret cadeau du gouvernement au patronat

En proposant de fixer à 1,6 milliard d’euros le transfert de la branche accident du travail-maladie professionnelle à la branche générale, l’exécutif vise un montant bien inférieur aux préconisations des experts. Une aubaine pour les entreprises au détriment du plus grand nombre. Explications.
Par Pierre Jequier-Zalc