Radio France : « Tout reste flou ! »

Quinze jours après une grève historique, les négociations sur l’emploi n’avancent guère. Non sans crainte pour le réseau France Bleu.

Jean-Claude Renard  • 30 avril 2015 abonné·es
Radio France : « Tout reste flou ! »
© Photo : AFP PHOTO / NICOLAS TUCAT

Le 13 avril, au lendemain des propositions de Dominique-Jean Chertier, médiateur nommé par la tutelle et chargé de régler au plus vite le conflit à Radio France, l’assemblée générale avait suspendu son vote sur la poursuite de la grève en attente des réactions des salariés de France Bleu. Des salariés invités à s’exprimer en interne. À côté de la promesse de la non-fusion des deux orchestres, le principal enjeu portait sur l’emploi. Parce que les propositions de Chertier n’évoquaient pas le plan de la direction sur la baisse des effectifs (entre 250 et 330 départs, sur la base du volontariat) et ne répondaient pas vraiment aux craintes des salariés de France Bleu devant le projet de mutualisation des programmes. Sinon par une vague préconisation, à savoir que « toute opération nouvelle de syndication ne soit appliquée qu’après expérimentation et évaluation complète et partagée (avec les personnels concernés) des résultats de cette expérimentation » .

Pour les 44 stations que compte France Bleu, la syndication, quèsaco ? C’est une grille de programmes commune à toute une région. Ainsi, depuis un an, entre 13 h 30 et 16 h 30, pour le Grand Ouest, le programme de France Bleu Loire-Océan, à Nantes, est aussi celui de France Bleu La Rochelle, de Poitiers et de France Bleu Maine. De fait, ce qui est local ne l’est plus guère ! Le but étant de faire une économie substantielle, mais à l’encontre d’une raison d’être et d’une identité. C’est aussi le cas en région Paca avec le Languedoc-Roussillon. En interne, donc, les réactions aux préconisations de Chertier n’ont pas manqué. « C’est plus que flou ! », dit un salarié. « Syndication appliquée après ? », s’étonne un autre. « Évaluation avec les personnels concernés ? Après l’avoir mis en place, donc ? Une fois que la machine sera mise en route, ils ne reviendront pas en arrière… » Pour certains, cela sous-entend que «   l’on entérine [les syndications] existantes ». Un autre membre du personnel rappelle que « les CDD représentent un vivier d’animateurs et une porte d’entrée à la formation à nos métiers. La syndication ferme cette porte. Or, l’un de nos problèmes est le recrutement ». C’est aussi l’absurdité du système qui est soulignée : « Aujourd’hui, il est impossible de remplir notre mission de service public de proximité dans ces conditions. Impossible d’informer nos auditeurs des dangers de la route, notamment. Idem pour les infos loisirs ou culture. Comment mettre en valeur une initiative à côté de Saint-Brieuc quand on couvre une zone allant du Mans à Poitiers en passant par Quimper ou Laval ? Bref, impossible de faire de France Bleu une station unique aujourd’hui. »

Bilan, l’impression d’être « les dindons de la farce », d’avoir « toujours à faire des économies », « à rendre des postes à Paris ». La grève a donc été reconduite, la syndication constituant l’un des points de blocage essentiels. In fine, elle aura duré 28 jours. Le médiateur avait mis dans la balance l’arrêt de la grève contre son maintien à la Maison ronde pour accompagner les négociations à venir. Quinze jours après la fin du conflit, qu’en est-il ? Une première réunion a eu lieu entre la direction, le médiateur et les syndicats. Mais « tout reste flou sur le calendrier et la méthode, s’inquiète Lionel Thompson, secrétaire SNJ-CGT à Radio France. On aimerait des garanties sur l’externalisation des services d’entretien et sur les conditions de travail. Il n’y a rien sur le plan de départs volontaires. On n’arrive pas à un discours frontal sur le sujet, et la DRH reste sourde. On ne sait pas, par exemple, quel est le détail chiffré de ces suppressions d’effectifs, sinon que les dirigeants ont une vision purement comptable de la Maison ronde ». Tout reste flou également sur la syndication. « On a l’impression qu’ils font les morts, poursuit Lionel Thompson, que rien ne s’est passé et qu’ils vont faire le dos rond avec la médiation pour avancer comme ils l’entendent. On ne sait pas alors quelle sera la capacité du médiateur à négocier. » La mission du médiateur se termine fin juin. Veille des vacances, et ce n’est pas un hasard.

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