Congrès du PS : tous perdants !

Malgré le satisfecit affiché, ni l’aile gauche ni l’aile droite ne sortent gagnantes du vote des militants, qui laisse entrevoir un PS plus affaibli que jamais.

Pauline Graulle  • 27 mai 2015 abonné·es
Congrès du PS : tous perdants !
© Photo : AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

Triomphant. Tel est apparu Jean-Christophe Cambadélis, vendredi dernier, au lendemain de la première manche du congrès de Poitiers. Avec 60 % des militants socialistes qui ont voté pour la motion A, « l’orientation a été tranchée, a-t-il affirmé. La politique de Manuel Valls  […] s’est vue confortée par le résultat ». Étrangement, alors que le premier secrétaire sonnait le glas d’une fronde « désormais résiduelle », son adversaire défait, chef de file des frondeurs, Christian Paul, premier signataire de la motion B sortie seconde avec 29 % des voix, affichait lui aussi la mine des grands jours : « Nous avons réveillé le PS. Notre score n’est pas un échec. »

Jeudi dernier, la motion A portée par Jean-Christophe Cambadélis a rassemblé 60 % des suffrages ; la motion B de Christian Paul, 29 % ; la motion C de Florence Augier, 1,5 % ; la motion D de Karine Berger, 9,5 %. Le deuxième tour, organisé le 28 mai, est cette fois destiné à désigner le premier secrétaire – Cambadélis devrait l’emporter confortablement face à Paul. Les 5, 6 et 7 juin prochains, se tiendra un grand raout militant à Poitiers. Certains cadres s’interrogent sur l’utilité de ces journées, qui étaient destinées, jusqu’au changement de statuts de 2012, à faire la « synthèse » entre les motions – or, la répartition des postes au sein des instances nationales aura déjà été faite, à la suite des votes des 21 et 28 mai. Fin juin, l’élection des secrétaires fédéraux mettra un point final au congrès.

Une élection où tout le monde crie victoire [^2] ? Si le vrai vainqueur de cette élection interne n’est autre que François Hollande – elle lui permet d’échapper à de très incertaines primaires en vue de 2017 –, pour le reste, les rodomontades des uns et le jeu de « qui perd gagne » des autres dissimulent mal que le congrès de Poitiers n’aura fait que… des perdants. La ligne majoritaire, d’abord. Rassemblant pourtant la totalité des ministres et toutes les huiles du parti, la motion de Cambadélis n’a obtenu les voix que de 40 000 militants. Un socle électoral rachitique, essentiellement composé d’élus et de collaborateurs d’élus, issu d’un corps électoral lui-même bien maigre : à peine plus de la moitié des 130 000 militants socialistes inscrits se sont déplacés pour aller voter ! N’en déplaise au premier secrétaire, ces 40 000 électeurs n’ont, en outre, pas tous voté pour la politique de Valls : « Les dés étaient pipés dès le départ avec cette motion A conçue pour attirer aussi bien les aubryistes que l’aile droite, pointe la députée de Paris Fanélie Carrey-Conte. Bien malin celui qui peut dire quelle ligne l’a emporté au bout du compte ! » Sans doute bien plus révélatrice de l’état du parti, l’hémorragie de militants (moins 60 % depuis l’arrivée de Hollande à l’Élysée, évoquent certains observateurs) ridiculise chaque jour un peu plus l’objectif affiché du premier secrétaire d’atteindre le demi-million d’encartés avant 2017. « Ne reste au PS que ceux qui ont plus peur de perdre l’appareil que de perdre leur âme », résume un cadre.

Cette rétraction de la base militante du PS n’a évidemment pas joué en faveur des frondeurs, qui visaient 40 % des voix. Avec le soutien d’un petit tiers de militants, l’aile gauche fait certes mieux en 2015 qu’au congrès de Toulouse de 2012, quand Benoît Hamon et son courant avaient fusionné avec la motion majoritaire pour soutenir un Hollande fraîchement élu – les motions d’Emmanuel Maurel et de Stéphane Hessel avaient totalisé 25 % des suffrages. Mais c’est un moins bon score qu’au congrès du Mans de 2005, où le courant du NPS et les « nonistes » du traité constitutionnel emmenés par Laurent Fabius avaient ensemble séduit 44 % de socialistes. Pis, le congrès de Poitiers pourrait fissurer l’aile gauche entre deux types de contestataires. D’un côté, ceux qui, à l’instar de Christian Paul, estimaient dès vendredi qu’il fallait « tourner la page de la fronde parlementaire ». De l’autre, le noyau dur des frondeurs bien décidés à conserver leur liberté parlementaire, comme Philippe Noguès, député du Morbihan : « Si le PS devient un parti social-libéral, je partirai », affirme celui qui prévient qu’il ne votera pas la loi de Finances 2016 si elle ne respecte aucune des orientations « sociales » sur lesquelles se sont engagés les signataires de la motion A. À en juger par la fidélité de la majorité actuelle à ses engagements de campagne, on se demande bien pourquoi elle changerait une formule qui gagne.

[^2]: Lire aussi le blog de Michel Soudais sur Politis.fr

Politique
Temps de lecture : 3 minutes

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