L’union inachevée des gauches

L’élan impulsé par le succès du « non » n’a pas empêché la dispersion des forces, que le Front de gauche ne désespère pas de rassembler…

Michel Soudais  • 27 mai 2015 abonné·es
L’union inachevée des gauches
© Photo : AFP PHOTO / DOMINIQUE FAGET

Àla gauche du PS, la campagne référendaire de 2005 reste une référence positive. Celle d’une épopée victorieuse, un combat à la David contre Goliath, dont il faudrait retrouver les ingrédients pour voler vers de nouveaux succès. Un moment particulier où un front hétéroclite fédéré par un rejet commun de l’ultralibéralisme est parvenu à retourner à son avantage l’hégémonie institutionnelle et médiatique du « oui ». Jusqu’à impulser le premier rejet politique massif des politiques libérales menées depuis 1983 par des gouvernements de droite ou de gauche. Une dynamique sans lendemain ?

« Avec la victoire du “non”, une autre offre politique est apparue en gestation à gauche », écrivions-nous en commentaire des résultats ( Politis n° 854). Les dirigeants du PS et des Verts, qui avaient fait campagne contre leur électorat, avaient été battus, plus de la moitié de leurs électeurs ayant choisi le « non ». Une gauche clairement antilibérale avait découvert qu’elle n’était pas vouée à jouer les supplétifs mais pouvait espérer devenir majoritaire. À condition de trouver les voies de son unité. Et de réussir sa mutation de force d’opposition en force de proposition. Conscients de l’enjeu, les animateurs de la campagne du « non » de gauche ont tenté de maintenir les 900 collectifs qui s’étaient constitués dans tout le pays, rebaptisés « Collectifs du 29 mai », multiplié les débats publics sur les suites à donner au mouvement. Avec deux objectifs : unifier les mouvements sociaux et traduire la dynamique du « non » dans les échéances électorales ultérieures. En mai 2006, un appel pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes rencontre un écho favorable. Il s’agit d’éviter une dispersion des forces aux élections présidentielle et législatives de 2007.

Les 30 et 31 mai, sur la place de la République, à Paris, où s’était tenu le dernier grand meeting du « non », le Parti de la gauche européenne, que préside le communiste Pierre Laurent, organise un Forum européen des alternatives.

Au programme : trois sessions plénières et au moins trente ateliers portant sur un large éventail de thèmes (en plusieurs lieux de Paris), puis un grand concert le samedi soir autour du thème « Peuples debout ». Des représentants des forces de gauche anti-austérité de toute l’Europe sont annoncés. Autant pour faire bloc que pour passer à l’offensive sur les solutions à la crise, des solutions de progrès social, écologiques et démocratiques. Une occasion de prolonger le débat ouvert il y a dix ans.

Rens. : forum-des-alternatives.eu/fr

Le comité d’initiative qui se constitue n’est pas loin d’y parvenir. Si dès le début la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) d’Olivier Besancenot fait bande à part, les collectifs unitaires antilibéraux que cet appel a fait éclore réunissent à l’automne 2006, à Saint-Denis et à Nanterre, des centaines de délégués. Lesquels parviennent à s’entendre sur une charte antilibérale, une stratégie, un projet et 125 propositions. Mais l’élan se brise à Saint-Ouen, le 10 décembre 2006, sur la désignation du candidat à la présidentielle. Quatre candidats s’étaient présentés : Yves Salesse, coprésident de la Fondation Copernic qui avait lancé « l’Appel des 200 », déclencheur et creuset de la campagne du « non », Clémentine Autain, José Bové et Marie-George Buffet. Le processus de désignation prévoyait un système complexe de double consensus. Faute d’aboutir, le PCF impose la candidature de sa secrétaire nationale avant la trêve des confiseurs. Un mois plus tard, encouragé par une pétition qui le réclame, José Bové se lance à son tour dans la course. Olivier Besancenot également. La gauche du « non » sortira atomisée de ce scrutin.

Elle se reconstitue temporairement pour réclamer un référendum sur le traité de Lisbonne, mais la camaraderie de 2005 n’est plus qu’un lointain souvenir quand est lancé, en mai 2008, un nouvel appel à organiser l’alternative à gauche. Publié dans nos colonnes, il devient vite « l’Appel de Politis  ». Initiée par quelques « casques bleus » venus nous demander notre entremise pour « remettre autour de la table des acteurs qui ne se causent plus », l’initiative est mal accueillie par la LCR, qui suspecte un torpillage de son processus de constitution du NPA. Elle est regardée avec méfiance par le PCF, et contrarie le calendrier de Jean-Luc Mélenchon, engagé dans son dernier congrès au PS. C’est finalement avec le Front de gauche, constitué au tournant de 2008-2009, après la création du Parti de gauche et le 34e congrès du PCF, qu’une partie de « la gauche du non » se rassemble durablement, avec quelques succès. Sans toutefois parvenir à retrouver jusqu’ici le cocktail qui avait fait le succès du « non » : la présence aux côtés de forces ou de personnalités politiques, de forces syndicales, associatives et d’une multitude de citoyens…

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Espagne : Un souffle nouveau
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