Galilée entre la terre et le ciel

Jean-François Sivadier reprend la Vie de Galilée vingt ans après sa création. Sensuel et cérébral.

Anaïs Heluin  • 3 juin 2015 abonné·es
Galilée entre la terre et le ciel
La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, au Monfort Théâtre jusqu’au 21 juin. www.lemonfort.fr
© Alain Dugas

La silhouette longiligne de Nicolas Bouchaud, ses cheveux hirsutes et son air de doux rêveur qui s’éclipse dès qu’une révolution se profile sont de tous les spectacles de Jean-François Sivadier. Toujours au premier plan. Si bien que le génial escogriffe est devenu un élément central du théâtre populaire et exigeant développé par le metteur en scène depuis une vingtaine d’années.

À chaque nouveau rôle, Bouchaud ramène un peu de ses personnages précédents. Et il n’est pas le seul. Dans des rôles secondaires, Stephen Butel, Nadia Vonderheyden ou Éric Guérin contribuent à faire du théâtre de Sivadier un espace où le plaisir d’un jeu très personnalisé porte l’intellect sans jamais gommer ses subtilités. De retour sur scène avec la Vie de Galilée de Brecht vingt ans après sa création, la joyeuse équipe prouve que le temps peut passer sans que le théâtre s’érode. Cette Vie de Galilée n’est bien sûr pas tout à fait la même qu’à sa naissance. Le corps des comédiens a changé, leur jeu a évolué. Entretemps, Nicolas Bouchaud a été le Roi Lear, l’Alceste du Misanthrope ou encore le Lucien Petypon de La Dame de chez Maxim de Feydeau. Dans des projets personnels mis en scène par Éric Didry, il a prêté son corps aux pensées du critique de cinéma Serge Daney ( la Loi du marcheur ) et du médecin de campagne John Sassal ( Un métier idéal ). Son interprétation de Galilée en garde sans doute des traces. On ne peut en tout cas le voir incarner l’astronome célèbre pour sa remise en question du système de Ptolémée sans se rappeler ses autres rôles de penseurs inquiets, pleins de doutes mais pleinement engagés dans leur discipline.

Tel est aussi le Galilée de Sivadier. Depuis une scène d’ouverture inspirée de l’exercice des Ambassadeurs – dans lequel un comédien utilise le mime pour faire deviner un mot à son partenaire – jusqu’à l’abdication de l’astronome face à l’Église, Nicolas Bouchaud et ses sept compagnons de plateau jouent tantôt la foi aveugle dans la science et ses vertus éducatives, tantôt l’hésitation. Un balancement qui distancie sans désincarner. Bon vivant, volontiers menteur lorsqu’un peu d’argent ou un bon plat de viande est en jeu, le Galilée de Bouchaud regarde le ciel avec les pieds bien ancrés sur terre. Entre science et politique, ces confrontations brechtiennes sont une fête de l’esprit et des corps, loin de tout moralisme.

Théâtre
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