L’intimidation, une autre censure

Les agressions contre les journalistes peuvent aussi venir de la société elle-même.

Denis Sieffert  • 24 juin 2015 abonné·es

Il n’y a pas que les États qui peuvent attaquer les journalistes ou entraver la liberté d’informer. Le drame de Charlie nous le rappelle assez. Les agressions peuvent venir de la société elle-même, en une sorte de continuum qui va des simples pressions à la violence de sang en passant par les appels anonymes et autres menaces. Et voici à présent le « swatting ». Un mot tiré du service de police américain désigné par l’acronyme Swat (Special Weapons And Tactics). Il s’agit d’inventer un motif suffisamment crédible ou inquiétant pour pousser la police à intervenir chez votre ennemi. Le hacker franco-israélien d’extrême droite Gregory Chelli, alias Ulcan, s’est illustré dans cet exercice pour intimider des militants associatifs ou des journalistes dont les articles sur le conflit israélo-palestinien lui déplaisent.

Des journalistes de Politis, Arrêt sur images et Rue89 ont récemment été les cibles de ce personnage, qui sévit depuis un an (voir article pages 8 et 9). Mais la sophistication de sa technique et les moyens dont il dispose pour attaquer des sites ou pour déclencher des actions de police de grande envergure posent une autre question : celle de la relation entre ce genre d’individus et les États. En l’occurrence, ce Grégory Chelli, qui est présenté comme un « loup solitaire », agit en toute visibilité depuis Israël. Son « swatting » colle au plus près au discours officiel israélien.

L’été dernier, les provocations de Chelli faisaient suite à des articles consacrés aux bombardements israéliens sur Gaza. Ces derniers jours, c’est l’affaire du boycott qui a mis le hacker, ex-militant de la Ligue de défense juive, en mouvement. À ce stade, ce n’est qu’une hypothèse. Mais ça ne serait pas la première fois dans l’histoire que l’on rencontrerait ce genre de procédés. Sans remonter aux barbouzes utilisés par le régime gaulliste pour éliminer les activistes de l’OAS en Algérie, les exemples se multiplient aujourd’hui d’attaques contre des sites de médias par des hackers téléguidés par des États.

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La liberté d'informer en danger
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