« Bobo » : l’insulte qui fait mal

Erwan Manac'h  • 1 juillet 2015
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« Bobo » : l’insulte qui fait mal
© Photo : Setboun/Photononstop/AFP

La scène se déroule au pied des immeubles défraîchis du Petit-Bard, à Montpellier, il y a quelques années. Le « Forum social des quartiers populaires » a installé sa tente pour trois jours de débat sur les moyens de donner une voix aux « banlieues ». Des cris fusent à l’extérieur contre deux militants venus d’autres quartiers, avec un discours politique. « Les gens ici n’en ont rien à foutre de Sarkozy, du PS et des régionales. Nous avons un vrai problème, des gens vivent avec 11 enfants dans un faux F4. Nous avons des priorités », lance un jeune dans un élan de colère.

La militante politique a beau se justifier, ce sont ses mots qui coincent. Une insulte résume ce décalage entre les discours politiques et ceux qu’ils sont censés défendre : « bobo ». Qui renvoie aussi à un manque de légitimité ceux qui se battent pour leurs idées sans souffrir eux-mêmes des conséquences de la crise. « Bobo » ringardise la gauche. Malgré les besoins criants d’un débouché politique en réponse à la colère des habitants des quartiers populaires, ce divorce sectorise les luttes et amenuise les forces en dressant les citoyens les uns contre les autres.

Il permet aux Le Pen et à Sarkozy de disqualifier les discours progressistes à moindres frais, tout en se revendiquant du peuple sans craindre le ridicule. Le succès du discours anti-bobos révèle donc une déchirure qui force la gauche à revoir ses méthodes et à repenser les termes de son discours. La remise en question est douloureuse, mais la prise de conscience a fait naître un vent nouveau, qui replace la parole populaire au cœur de l’action politique.

Publié dans le dossier
Derrière l'insulte « Bobo »
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