Notre-Dame-des-Landes : un TGV pour l’aéroport fantôme

Publié le 6 juin, un avis du ministère de l’Ecologie valide un coûteux projet ferroviaire à grande vitesse pour desservir le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Thierry Brun  • 10 juillet 2015
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Notre-Dame-des-Landes : un TGV pour l’aéroport fantôme
Les opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont relevé un pesant silence qui règne au sein de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) en ce qui concerne l'actuel aéroport Nantes Atlantique et la révision de son plan de gêne sonore (PGS). L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), une institution indépendante, réclame à la DGAC une révision du PGS de Nantes Atlantique « dans les plus brefs délais » et menace d'un recours auprès de « l'autorité préfectorale compétente » , car la « situation est très préoccupante » . Dans son récent rapport annuel, l'Acnusa relève que le PGS maintenu par la DGAC « protège assez largement des zones d'habitation qui ne sont pas concernées » . L'Acnusa relève aussi que « l'hypothétique mise en service de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne justifie pas le maintien d'une telle pression sonore sans en atténuer les effets » . Mais revoir à la baisse le PGS met à mal un argument en faveur du projet d'aéroport… De quoi faire la sourde oreille…
© GEORGES GOBET / AFP

Illustration - Notre-Dame-des-Landes : un TGV pour l'aéroport fantôme

L’issue du débat public autour des liaisons nouvelles ferroviaires Ouest Bretagne-Pays de la Loire (LNOBPL) ne laisse aucun doute sur la volonté du gouvernement de lancer la construction du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un avis du ministère de l’Écologie publié au Journal officiel le 6 juin (lire ici) indique qu’une nouvelle liaison ferroviaire intègrera « la thématique de la desserte de l’aéroport du Grand Ouest » , et s’appuie sur une décision de SNCF Réseau (ex-Réseau ferré de France), le maître d’ouvrage du projet, prise au mois de mai.

Le ministère de l’Écologie reprend la conclusion du débat public qui s’est déroulé du 4 septembre 2014 au 3 janvier autour de trois scénarii de liaisons ferroviaires (mauve, bleu et vert) passant toutes par le site du futur aéroport du Grand Ouest (AGO), menaçant le bocage ainsi que la zone humide du nord au sud. Dans son avis, le gouvernement n’a pas infirmé cette orientation et a décidé la « poursuite des études du projet ferroviaires de liaisons nouvelles Ouest Bretagne-Pays de la Loire par une étape complémentaire au débat public » optant pour la desserte de l’AGO malgré la mise en cause du débat public.

« Nous avions demandé l’annulation de ce débat en décembre 2014 car tout était biaisé dans ce dossier » , rappelle François Verchère, ex conseillère générale de Loire-Atlantique et coprésidente du Collectif d’élu-e-s doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Cédpa). Dans un courrier adressé à la Commission nationale du débat public (CNDP), l’élue écologiste avait relevé des conflits d’intérêt concernant certains experts.

Lire > Notre-Dame-des-Landes : marché de dupes autour des projets d’aéroport et de liaisons ferroviaires

Auparavant, la CNDP avait été saisie en mai et juin 2014 pour réaliser des expertises complémentaires demandées par les élus EELV des conseils régionaux de Bretagne et Pays de la Loire, France Nature Environnement, le Cédpa et l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa).

Les opposants à Notre-Dame-des-Landes avaient demandé une évaluation des prévision de trafic et des taux de rentabilité socio-économique des scénarios envisagés par SNCF Réseau ainsi que « l’examen de variantes nouvelles entre Nantes et Rennes passant par Châteaubriant ou par Redon, avec optimisation des lignes existantes et/ou la création de parties de voies nouvelles » , et d’en mesurer les impacts sociaux et environnementaux.

Pas rentable sans la desserte de NDDL

Les conclusions formulées dans les expertises complémentaires précisent que la non réalisation de la desserte de l’AGO n’aurait pas « d’incidences significatives sur le choix des aménagements entre Rennes et Lamballe, et même entre Rennes et Nantes » , résume le bilan dressé par la CNDP, publié le 26 février. Surtout, les experts ajoutent que sans la réalisation de la desserte, « aucun des scénarios ne seraient économiquement rentable » . En clair, pour être viables les projets d’aéroport et de liaison ferroviaire sont économiquement indissociables. Et leur coût est faramineux.

La facture du futur aéroport du Grand Ouest est estimé à près d’un milliard d’euros, soit presque le double qu’annoncé par Vinci, avec la même capacité annuelle, montrent les architectes Ivan Fouquet et Franco Fedele qui ont réalisé une étude sur l’optimisation de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique, à la demande du Cédpa.

Il faudra y ajouter 3 à 4 milliards d’euros (chiffres de 2012) pour la création de lignes nouvelles et de la desserte de l’AGO. Sans oublier « qu’il n’y a pas d’analyse fine en matière environnementale. Cette question ne fait pas partie des choix envisagés alors que c’est un enjeu fort puisque le site est d’une richesse écologique remarquable » , ajoute Françoise Verchère.

Passage en force

Le projet de liaisons nouvelles a cependant été inscrit au schéma national des infrastructures de transport dès juillet 2010. Les collectivités membres du syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest, présidé par le socialiste Jacques Auxiette, ont ensuite soutenu les orientations du scénario bleu de SNCF Réseau et annoncé dès 2011 une « ligne rapide Nantes-Rennes-Bretagne Sud via l’aéroport » , « à l’horizon 2025 » .

Le projet a été confirmé par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, lors de sa présentation du plan « Investir pour la France » en juillet 2013, bien que le rapport « Pour un schéma national de mobilité durable » de la Commission Mobilité 21 n’a retenu ce projet qu’en seconde priorité, c’est-à-dire à engager après 2030. Or, la date de mise en service des liaisons nouvelles ferroviaires soumises à débat public est envisagée à l’horizon 2030.

Le choix de retenir la desserte de l’AGO montre que le gouvernement souhaite engager rapidement les procédures rendant irréversible la construction du nouvel aéroport international. Le Premier ministre Manuel Valls n’a pas attendu les décisions du tribunal administratif concernant les recours déposés par les opposants à l’aéroport pour affirmer qu’au « 1er semestre 2015, il faudra (…) s’engager dans la construction de Notre-Dame-des-Landes » .

« On n’imagine pas que le gouvernement se lance dans ces dossiers deux mois avant la COP 21 [Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques prévue du 30 novembre au 11 décembre à Paris] *. Cela serait stupéfiant ! »* , réagit Françoise Verchère.

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