Stathis Kouvelakis : « Un dépeçage de la Grèce sur un mode néocolonial »
Membre du comité central de Syriza, Stathis Kouvelakis analyse la situation politique et sociale de son pays depuis l’élection d’Alexis Tsipras jusqu’à la signature de l’accord imposé par l’Europe. Entretien.
dans l’hebdo N° 1363-1365 Acheter ce numéro

Enseignant au King’s College de l’université de Londres, Stathis Kouvelakis a fait une partie de ses études à Paris. Vivant aujourd’hui entre les capitales grecque, anglaise et française, il compte parmi les 109 membres du comité central de Syriza qui ont signé un texte refusant l’accord contraint que les créanciers européens et la troïka ont arraché « un pistolet sur la tempe » (selon les mots d’Alexis Tsipras lui-même) au gouvernement grec pour daigner poursuivre les négociations. Il analyse ici les événements de ces six derniers mois, depuis les élections ayant porté Syriza au pouvoir (mais aussi les attentats à Paris) jusqu’au référendum grec du 5 juillet, et la capitulation de Tsipras. En pointant une Europe néolibérale de plus en plus « impérialiste ». Retour sur un semestre de tous les dangers.
Après l’accord du 7 juillet, accepté pieds et poings liés par Tsipras et dicté par l’Eurogroupe, en particulier l’Allemagne, la Grèce est-elle encore un État souverain ?
Stathis Kouvelakis : À l’évidence, non ! La Grèce n’était déjà plus un État souverain depuis 2010, quand le premier mémorandum a été décidé. Elle a essayé de s’en libérer en menant au pouvoir un gouvernement Syriza, mais elle se retrouve de nouveau sous la tutelle de la troïka. L’échec de Syriza, et plus précisément « l’accord » qui a été signé (qui n’a rien d’un accord au sens littéral du terme), est d’abord la remise sous tutelle de la Grèce, encore plus accentuée qu’auparavant. Certaines des dispositions parmi les plus odieuses de ce nouvel accord conduisent à une évidente négation de sa souveraineté. J’en mentionnerai trois. Premièrement, les principaux leviers financiers de l’État deviennent des autorités dites « indépendantes », c’est-à-dire directement sous le contrôle des banques centrales et de la Banque centrale européenne (BCE). Ainsi, l’organisme qui récolte les recettes fiscales du pays va échapper au contrôle de l’État grec et communiquera directement avec la troïka. Deuxièmement, l’ensemble des ressources privatisables de l’État grec (estimées par l’accord au prix exorbitant de 50 milliards d’euros) sont placées dans un fonds spécial qui
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