True Detective 2 : perdu dans les échangeurs d’autoroutes

Moins originale dans l’écriture et le climat que la première saison, la saison 2 de True Detective , qui a quitté la Lousiane pour une cité poubelle proche de Los Angeles, est plus psychologique. Avec une présence plus forte des personnages féminins.

Ingrid Merckx  • 31 juillet 2015
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True Detective 2 : perdu dans les échangeurs d’autoroutes

C’est une chanteuse de blues-folk qui donne le ton. Assise sur un tabouret de bar avec sa guitare, elle distille une douce clameur romantico-funèbre, d’une voix d’oiseau de nuit solitaire.

Eux sont assis face à face, indifférents à la musique, mais comme portés par elle, mêlés dans la même humeur. Ray Velcoro (Colin Farrell) est un flic corrompu qu’un drame familial a poussé dans le précipice. Franck Semyon (Vince Vaughn) est un industriel mafieux que les circonstances ont conduit à renseigner Ray Velcoro. Lequel est devenu son obligé, un interlocuteur régulier, presque un copain.

Autour, rien à voir avec le décors magnétique de la Lousiane décadente qui rendait la saison 1 si immédiatement attractive. True Detective saison 2 se déroule à Vinci, cité poubelle des environs de Los Angeles, ville bouffée par les projets immobiliers véreux, les échangeurs d’autoroutes, la misère urbaine.

Même Beverly Hills respire les draps sales et les mauvaises nuits dans cette saison où la campagne californienne est gangrenée par la pollution de ses sols, où les communautés hippies campent des dingues pas si doux qui ont fait pousser leurs enfants sans repères et de travers, où les flics sont dépassés par les accords conclus entre leurs supérieurs hiérarchiques et dont la finalité n’est pas la résolution de l’enquête.

Laquelle progresse mollement, portée par la rescapée Ani Bezzerides (Rachel McAdams, la fiancée superficielle de Minuit à Paris de Woody Allen) dont on se demande ce qu’elle vient faire dans cette galère. De quoi se laisser porter paresseusement, un peu nostalgique du sous-texte métaphysico-existentiel de la saison 1, de son climat fantastico-sectaire, et du récit partagé entre enquête sur le terrain et entretiens en plans fixes.

Rien d’aussi sophistiqué dans l’écriture de la deuxième saison qui semble d’emblée beaucoup plus classique et uniforme et ne parvient pas à atteindre l’originalité de sa grande sœur.

Mais le versant psychologique est plus creusé. Si la première saison offrait un développement sur la paternité, la seconde décortique la réflexion sur la filiation, la transmission, l’éducation, notamment sous l’angle masculin, entre violence donnée et violence subie.

Surprise, alors que la saison n’en est qu’à la moitié de sa diffusion : ce sont les femmes qui tiennent le haut du pavé (quand elles servaient surtout de faire-valoir au duo de la saison 1). En sus d’Ani, dont le courage est assez saisissant, le personnage de la femme du mafieux Franck est loin d’être insipide. Sa présence inattendue dans un tel milieu, son aisance, son répondant, sa manière de s’accrocher au sujet qui lui tient le plus à cœur – son désir d’enfant – et dévalorise tous les autres – l’assassinat brutal de l’associé de son mari, sa faillite, ses affaires – en fait plus qu’une bouée de sauvetage, un ovni.

Culture
Temps de lecture : 3 minutes
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