Israël : La douloureuse victoire de Mohammed Allan

Par sa grève de la faim, le prisonnier palestinien n’a pas obtenu la liberté, mais il a posé le problème de l’arbitraire colonial.

Denis Sieffert  • 26 août 2015 abonné·es
Israël : La douloureuse victoire de Mohammed Allan
© Photo : Des dessins et slogans en soutien à Mohammed Allan, à Gaza. ABED/AFP

L’avocat palestinien Mohammed Allan, 31 ans, en grève de la faim depuis soixante jours, a finalement obtenu la suspension de la mesure de détention administrative qui le frappait depuis novembre 2014. Difficile pourtant de parler de « victoire », car, dans son arrêt, la Cour suprême a précisé que sa décision avait un caractère provisoire. Il a fallu que le prisonnier palestinien frôle la mort pour qu’un droit de visite soit accordé à sa famille. La vérité, c’est que l’affaire Mohammed Allan avait pris une telle place dans le débat public, et suscité une telle émotion dans les territoires palestiniens, que le gouvernement Netanyahou voulait éviter une issue fatale qui aurait provoqué la colère des Palestiniens et entraîné une réprobation internationale. Il avait donc d’abord donné des consignes pour que l’on nourrisse le prisonnier de force. Mais aucun médecin n’a accepté d’appliquer une décision qui aurait enfreint la déontologie. La Cour suprême a donc finalement tiré le gouvernement d’un mauvais pas, sans vraiment le désavouer. Même si sa décision a été violemment critiquée par la très extrémiste ministre de la Culture, Miri Regev, qui a accusé la Cour suprême d’avoir « cédé au chantage d’un terroriste ». Le combat de Mohammed Allan, arrêté sans explications et accusé de terrorisme sans l’ombre d’une preuve, a dramatiquement posé la question de ces détentions extrajudiciaires qui, selon l’ONG israélienne B’Tselem, touchent aujourd’hui 370 prisonniers palestiniens sur les 5 800 qui croupissent dans les geôles d’Israël. Ceux-là n’ont aucun droit. Ils n’ont ni avocat ni procès. Et leur emprisonnement est totalement arbitraire. Au mieux, les autorités invoquent pour justifier cette mesure un délit d’intention qui défie les règles du droit.

Dans le cas de Mohammed Allan, on l’accuse de liens avec l’organisation du Jihad islamique. Or, même si le mouvement islamiste palestinien le revendique en effet comme l’un de ses membres, ce n’est évidemment pas suffisant pour constituer un délit. En réalité, cet avocat de Naplouse, inconnu il y a encore quelques semaines, est le défenseur de plusieurs prisonniers palestiniens eux-mêmes victimes de l’arbitraire. Son combat aura au moins permis de mettre en lumière le système colonial israélien, seulement ignoré, il est vrai, de ceux qui le veulent encore. Il a aussi jeté le trouble dans le monde médical israélien lorsque les médecins ont unanimement refusé les ordres gouvernementaux. Ce qui a porté l’affaire au sein de la société israélienne, chose devenue rare dans une nation qui pratique de plus en plus le déni.

Ce combat a eu un certain écho aussi dans la presse internationale. Cela, au moment même où la ville de Paris menait son opération « Tel-Aviv sur Seine », louant les vertus prétendument pacifiques de la capitale officielle d’Israël. Comme si la principale agglomération de l’État hébreu pouvait être étrangère à la politique du gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou, aux emprisonnements extrajudiciaires, ou, il y a tout juste un an, aux bombardements sur Gaza. Quant à Mohammed Allan, il est loin de la liberté. Le gouvernement israélien a indiqué qu’il ne serait relâché que s’il souffrait de « dommages irréversibles ».

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