Le devoir civique d’accueillir les migrants qui échouent dans notre pays

La phase finale de désintégration de notre vieux monde bat son plein. Avec son incontournable corollaire : les flux migratoires incontrôlables créés par les désordres répandus, la plupart du temps par nous-mêmes, aux quatre coins de la planète.

Le Yéti  • 24 août 2015
Partager :
Le devoir civique d’accueillir les migrants qui échouent dans notre pays

Août 2015, réfugiés syriens à la frontière gréco-macédonienne

La réaction des autorités européennes est sans surprise, vile et hypocrite à l’envi :

-* lamentables discussions sur les quotas de réfugiés à se partager ;

-* non-assistance caractérisée à personnes en danger, sinon même agression manu militari ;

-* lutte affichée contre les passeurs — au nom de principes humanitaires ! — comme si les passeurs étaient à l’origine du problème migratoire.

Et pourquoi pas, pendant qu’on y est, tri des migrants par couleur de peau ou par religion, comme c’est en train de se produire en Slovaquie ?

Les objections bidons

Balayons ici les objections soulevées par ceux qui laissent les réfugiés croupir dans des conditions abjectes comme à Calais ou à la frontière franco-italienne :

-* Manque de structures d’accueil… quand la moindre de nos armées en campagne est en mesure de monter en moins de deux un camp de base avec toutes les commodités qui vont avec.

-* Manque de « moyens » (traduisez « argent ») pour envoyer des toubibs, des infirmières et des produits de première nécessité… mais aucun souci budgétaire pour mobiliser en nombre les robocops à matraques, flashballs et lacrymos, chargés d’accueillir à leur façon virile ces malheureux.

Ce n’est pas « toute la misère du monde » qu’il s’agit d’accueillir, mais des êtres humains malheureux et déracinés. Le flot de ceux qui se pressent à nos portes est certes impressionnant, mais pas si massif[^2] pour qu’on ne puisse leur porter secours et assumer nos responsabilités. La France a déjà fait face à bien pire.

Janvier-février 1939, un demi-million de réfugiés arrivaient en France, fuyant le régime franquiste

Des décisions d’ordre politique

Les décisions à prendre pour accueillir et intégrer — oui, intégrer — comme il se doit les réfugiés sont d’ordre politique. Il y a déjà quelques temps, j’avais tenté de lister une série de mesures d’accueil concrètes à mettre d’urgence en place :

-* la création d’une commission nationale de l’immigration chargée de régulariser les nouveaux arrivants, de réguler les flots migratoires (répartition géographique, par exemple), d’éviter les phénomènes de ghettoïsation ; ceci en collaboration avec les préfectures et les autorités des pays limitrophes ;

-* une politique plus contraignante en matière de logements sociaux et de centres d’accueil , allant jusqu’à la réquisition ;

-* l’attribution à chaque famille régularisée d’un revenu de base permettant aux nouveaux arrivants (comme à chaque ménage français) de subvenir à ses besoins vitaux ;

-* la signature, au moment de la remise des papiers, d’un contrat républicain insistant sur les valeurs de la République (en particulier, le respect de la laïcité) ;

-* le droit de vote accordé aux migrants au bout d’un an pour les élections locales, trois ans pour les élections régionales, au moment de l’éventuelle naturalisation pour les scrutins nationaux.

Les nouveaux « Justes »

De nombreux groupements agissent dans l'ombre pour pallier aux insuffisances des pouvoirs publics et de ses pesantes CADA (Commissions d'accès aux documents administratifs). Citons parmi les plus connus, l'association Cimade ou le collectif RESF (Réseau éducation sans frontières). "Un jour en France" nouvelle émission de France Inter, notait aussi ce lundi matin l'émergence de petites associations très localisées, révélant une certaine prise de conscience citoyenne du problème humain des réfugiés et sa prise en charge par des structures à taille humaine, aptes à faciliter l'intégration des arrivants aux populations locales.
Mais vous pouvez être sûr qu’aujourd’hui aucune de ces mesures ne sera adoptée par les autorités en place. Pourquoi le feraient-elles, d’ailleurs, puisqu’elles se sentent soutenues dans leur comportement de rejet par des majorités pétries de trouille ?

Cela a été maintes fois dit et répété au fil de ses chroniques : lorsque le chaos s’installe, la dignité de l’humanité n’est plus entre les mains d’autorités méprisables ou de majorités effarées, mais de minorités agissantes.

Le devoir légitime de chaque citoyen qui se respecte est de porter secours à tous les migrants échouant sur notre territoire. Aux associations responsables de se mobiliser, aux réseaux vraiment sociaux de s’activer, aux nouveaux « Justes » de se distinguer, sans souci des règlements discriminatoires pondus par des salauds ou des cris d’orfraie poussés par la basse-cour des lâches et des égoïstes.

Depuis quand les capitaines de navire et leurs équipages sont-ils fondés de ne plus porter secours aux naufragés ? Depuis quand le mot fraternité est-il rayé des frontons de notre République ?

« Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays » (article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme).

[^2]: Voici comment se répartissaient les demandeurs d’asile par tranche de 1 million d’habitants dans les différents pays européens en 2014 (source Eurostat via AFP):

Illustration - Le devoir civique d'accueillir les migrants qui échouent dans notre pays

Photo 1 : AFP/Robert Atanasovski

Photo 2 : inconnu

=> Podcast de l’émission « Un jour en France » (France Inter) : {{[Village français accueille migrants->http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-en-france-village-francais-accueille-migrants]}}

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don